Celui qui a connu la région de Jijel dans les années 1970 et au début des années 1980 se rappelle, non sans nostalgie, ses forêts luxuriantes qui s'étendaient à perte de vue offrant un cachet particulier où se mélangeaient avec harmonie la couleur d'une terre généreuse et le vert d'une végétation aussi riche que variée. Aujourd'hui, c'est un spectacle désolant. Un tableau dont la toile de fond n'est autre qu'un alignement de constructions sans fin, le plus souvent anarchique, donnant à la région un aspect hideux. Désormais, ces terres, jadis synonymes de fierté et de richesse pour les habitants de cette région, sont conquises par des masses de béton armé. Que ce soit à la cité El Arayache, une plaine où les fellahs s'adonnaient, volontiers, à la culture céréalière, comme à la cité Berkouka comme son nom l'indique où sur les terres fertiles de Tassouste. Le spectacle est le même, du béton, rien que du béton et point d'espaces verts. Comme si les habitants avaient définitivement tourné le dos à la nature, préférant la laideur du ciment à la verdure des champs et des vergers. La course à la construction à tout prix a été fatale pour la survie de nos terres arables. La commune de Jijel pour ses besoins d'extension a été envahie par le béton à tel point, qu'actuellement, les quelques poches restantes ont été squattées pour être bâties. Du coup, c'est le citoyen qui suffoque sous le poids du béton. Certes, le besoin de la ville en matière de logements est pour beaucoup dans la dégradation du tissu urbain, mais la région, qui était, auparavant, un havre de paix où il faisait bon vivre, tant l'air était pur et le climat très doux, est en passe de connaître le triste sort réservé aux grandes villes polluées du pays. Par ailleurs, la volonté de répondre coûte que coûte et dans la précipitation à une demande accrue en logements pour endiguer cette crise a eu pour conséquence la création de nouveaux lotissements où le foncier a été sacrifié. Gageons quand même aujourd'hui sur la préservation de ce qui reste encore comme terres agricoles. Mourad Bouchama