La polémique sur l'exécution de l'ancien président irakien Saddam Hussein, tué le 30 décembre, révèle un fossé entre les chiites au pouvoir à Bagdad et la communauté internationale, qui s'est indignée des conditions de sa pendaison. Même mort, Saddam Hussein continue de nuire au gouvernement irakien : l'exécution de l'ancien raïs a d'abord été condamnée par de nombreux pays occidentaux, favorables à l'abolition de la peine de mort. Mais les conditions dans lesquelles elle s'est déroulée, au premier jour de l'Aïd al Adha, la fête musulmane du sacrifice, et la diffusion d'une vidéo pirate qui révèle que Saddam a été insulté et provoqué avant sa mort ont profondément choqué, en particulier dans le monde arabe. Cette vidéo a ravivé la coupure entre sunnites et chiites en Irak et dans le monde musulman, donnant davantage l'impression d'une vengeance confessionnelle que de l'exécution d'une décision de justice. La trappe s'est ouverte sous les pieds de Saddam avant même qu'il n'ait terminé de réciter la chahada, la profession de foi musulmane. Le président égyptien Hosni Moubarak s'est fait l'écho de ces protestations : “Pourquoi devait-on le pendre justement quand les gens vont prier pour la fête ? (...) Personne n'oubliera les circonstances dans lesquelles Saddam a été exécuté. Ils en ont fait un martyr.” En Jordanie, au Liban, en Palestine, au Maghreb et jusqu'en Inde, des milliers de personnes ont défilé pour dénoncer la disparition d'un “héros”. Seuls Israël et l'Iran se sont réjouis de la nouvelle. En Irak, la communauté sunnite, que les autorités irakiennes et les responsables américains tentent de ramener dans le jeu politique au nom de la réconciliation nationale, a été profondément blessée. Depuis dimanche, des milliers de sunnites se rendent chaque jour en pèlerinage sur la tombe de Saddam, dans son village natal à Aouja, près de Tikrit, au nord de Bagdad. Face aux critiques, les autorités irakiennes, sûres d'être dans leur bon droit, se murent dans l'incompréhension. Pour sa part, le conseiller à la sécurité nationale, Mouaffaq al Roubaïe, lui aussi chiite, a nié que Saddam ait été humilié lors de son exécution. “Où était l'humiliation ? Les cris des spectateurs ? Il s'agissait essentiellement de prières et de supplications”, a-t-il déclaré jeudi. Evoquant une danse entamée par quelques spectateurs autour du cadavre de Saddam, M. Roubaïe a jugé qu'il s'agissait là “d'une tradition des Irakiens. Ils dansent auteur du corps et expriment leurs sentiments. Quel est le problème avec ça ?” R. I./Agences