Les membres de l'Opep divergent sur l'attitude à adopter face à la baisse des cours du pétrole, l'Arabie Saoudite prenant la tête du camp des temporisateurs face aux tenants de mesures d'urgence de réduction de la production, comme les anti-Américains, l'Iran et le Venezuela. Depuis lundi dernier, le Nigeria, le Koweït et l'Arabie Saoudite ont successivement affirmé qu'il n'était pas nécessaire pour l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) de convoquer une réunion d'urgence avant celle programmée le 15 mars, ni de mettre en œuvre des baisses supplémentaires de production. Et ce, en dépit d'un baril sous les 51 dollars, au plus bas depuis le printemps 2005. “Il n'y a aucune raison pour tenir une réunion, car tous les fondamentaux (du marché) sont bien plus solides que lors de la réunion de Doha”, en octobre, a martelé, mardi passé, le ministre saoudien du Pétrole, Ali Al-Nouaïmi. Pour Riyad, les baisses de production décidées depuis octobre devraient suffire à équilibrer le marché, pourvu qu'elles soient appliquées. L'Opep, qui fournit 40% de la production mondiale de pétrole, a décidé, le 20 octobre, de réduire sa production de 1,2 million de barils par jour (mbj). Une seconde baisse de 500 000 bj, décidée le 15 décembre, entrera en vigueur le 1er février prochain. Or, ces baisses théoriques n'ont pour l'instant été que partiellement appliquées. Les analystes estiment que l'Arabie Saoudite, qui assume déjà à elle seule le tiers des deux baisses de production théoriques, soit 538 000 barils sur un total de 1,7 million de barils par jour, est la seule à avoir rempli son contrat. C'est ce qui donne à Riyad, membre prééminent du cartel en qualité de premier producteur, l'autorité pour taper du poing sur la table. Le ministre nigérian de l'énergie, Edmund Daukoru, reconnaît que le marché est “suralimenté”, mais estime de même qu'il convient d'attendre de voir la réaction du marché à la baisse de production qui entrera en vigueur le 1er février. Un avis partagé par le ministre koweïtien de l'Energie, le cheikh Ali Jarrah Al-Sabah : “Nous préférons attendre le 1er février (...), et les membres pourraient se réunir ultérieurement si ces nouvelles baisses ne garantissaient pas le maintien des prix.” “L'Opep ne ressemble pas à un groupe très uni, l'Arabie Saoudite choisissant d'attendre alors que d'autres membres poussent pour de nouvelles réductions”, remarquait Steve Rowles, de CFC Seymour. Les attentistes sont, en effet, en parfaite opposition avec l'Iran et le Venezuela, respectivement deuxième et troisième producteurs du cartel, mais qui, à eux deux, produisent moins de barils que Riyad. “Il y a trop de brut sur le marché, donc nous soutenons, nous soutiendrons des décisions prises pour réduire la production”, a déclaré ce week-end à Caracas le président vénézuélien Hugo Chavez, aux côtés de son homologue iranien, Mahmoud Ahmadinejad. Cette alliance ne serait pas une alliance économique de circonstance, mais bien un front politique, estime Fadel Gheit, analyste chez Oppenheimer. En n'entravant pas la chute des cours, les Saoudiens “veulent aider les Etats-Unis à mettre les Iraniens sous pression”, juge-t-il. “Des prix du pétrole moins élevés signifient moins de revenus pour l'Iran” et cela diminue leur “pouvoir de nuisance” en Irak, selon l'analyste. Les Etats-Unis accusent, en effet, l'Iran de déstabiliser l'Irak et ont indiqué récemment qu'ils ne resteraient pas “inactifs” à ce propos. Ce n'est pas la première fois que les membres du cartel jouent une partition différente dans un contexte critique pour les prix. Début octobre, le Venezuela et le Nigeria avaient fait front commun en annonçant une baisse de production à titre individuel.