Alors qu'il est nominé en tant que film français dans neuf catégories aux Césars 2007, le réalisateur algérien Rachid Bouchareb a choisi le plateau de Canal+ de Michael Denisot pour mettre un terme à la polémique née en France sur la nomination de son film Indigènes au nom de l'Algérie. Le cinéaste a, pour la première fois depuis la sortie du film, parlé de “l'algérianité” de son œuvre, indiquant qu'il est français d'origine algérienne, que la musique a été réalisée par un Algérien Khaled et que c'est grâce à ces critères que l'Académie des Oscars a accepté de que le film soit inscrit sous la bannière algérienne. “Qui m'aurait dit aujourd'hui que le film aurait été choisi par la France, même si l'on remplissait toutes les conditions ?” s'interroge le réalisateur, précisant que la sortie du film en France était prévue pour le 27 septembre, alors qu'il fallait sortir le film aux USA une semaine avant, pour être sélectionné aux Oscars. Le cinéaste algérien a déclaré aussi que le film a reçu un accueil favorable aux USA et des projections sont programmées par le distributeur américain avec des vedettes hollywoodiennes telles que Morgan Freeman, Woopie Goldberg ou encore Sharon Stone. Comme pour La Bataille d'Alger, les Américains ont été très touchés par l'engagement des soldats musulmans aux côtés des Français et surtout des Américains lors de la Seconde Guerre mondiale, explique le réalisateur, dont l'œuvre est fortement inspirée du film américain Glory, qui montre l'engagement des soldats noirs dans l'armée de l'Union durant la guerre de Sécession. Ainsi cette adoption du film par les Américains et sa présentation aux Oscars en tant que film algérien a été très mal perçue dans l'Hexagone. Jeudi déjà, la presse française s'est interrogée sur la nationalité du film Indigènes, alors que le film est financé à 90% par la France. Ainsi, Le Figaro dans un article “Indigènes est un film algérien ou français ?” parle de l'exception française même s'il reconnaît que juridiquement, un film n'a pas de nationalité propre. “Le réalisateur possède la double nationalité, il a choisi, par ce geste à la fois symbolique et politique de porter le drapeau algérien à Hollywood”, explique encore Le Figaro. Le journal français s'interroge comment peut-il représenter un pays qui n'a qu'une faible participation dans le montage financier de l'œuvre (la France aurait financé le film à 90%, alors que le Maroc aurait investi 10%). Le journal français commente cette nomination à Hollywood en indiquant qu'à moins de considérer que l'Algérie est encore un département français, la question se pose de savoir ce que signifie l'identité nationale d'un film à partir du moment où il peut changer de drapeau suivant les modalités d'un festival, aussi prestigieux que Cannes, ou les impératifs du règlement des Oscars, qui stipule qu'un “film étranger” doit obligatoirement avoir une nationalité. Le film de Rachid Bouchareb a suscité un large débat en France sur la représentation de l'Algérie dans la catégorie “films étrangers” aux prochains Oscars qui auront lieu le 25 février à Los Angeles. Alors qu'il est nominé 9 fois aux Césars comme film français. Le Figaro conclut en précisant que si Indigènes décroche l'Oscar, la France pourra se contenter de l'avoir par procuration. Rachid Bouchareb est venu défendre la nomination du film au nom de l'Algérie, sur le plateau d'une télévision française (productrice également du film) en compagnie des comédiens du film, mais sans Jamel Debbouze. L'acteur français d'origine marocaine a boycotté la promotion de ce film, alors qu'il a été l'un des principaux défenseurs du film à Cannes, confortant ainsi la thèse soulevée dans notre édition du 25 janvier et qui évoque le mécontentement du comédien et du Maroc sur la nomination du film au nom de la bannière algérienne. AMIN REDA