Rachid Bouchareb entre en lice à Berlin sous l'emblème national pendant que Lyes Salem poursuit sa moisson de prix. Il y a trois jours, Rachid Bouchareb a fait un saut à Alger avec le grand producteur tunisien Tarik Ben Ammar (Les aventuriers de l'arche perdue, La dernière légion, Femme fatale, Pirates…). Une visite urgente dans la mesure où il venait annoncer son souhait de présenter sous les couleurs algériennes son dernier long métrage London River qui vient d'être sélectionné dans la compétition du Festival du cinéma de Berlin, l'un des plus en vue au monde. C'est la deuxième fois que ce réalisateur revendique l'emblème national pour faire concourir un de ses films, le précédent étant Indigènes nominé à l'Oscar du meilleur film étranger en 2007. La ministre de la Culture, Khalida Toumi, qui a reçu les deux hommes a, bien sûr, accédé à la demande du réalisateur, d'autant que l'Algérie est coproductrice du film avec la France et la Grande-Bretagne. C'est donc en vert-blanc-rouge que sera déclinée sa participation à Berlin. Rachid Bouchareb offre ainsi une tribune de premier plan pour la promotion de la cinématographie algérienne ou plutôt de son potentiel dont les frémissements actuels pourraient générer une dynamique de partenariats, de coproductions, de formations, des tournages… Derrière le décorum très « people » des festivals, un travail intense de relations publiques s'effectue et c'est dans leurs coulisses souvent que se montent les projets. L'Agence algérienne de rayonnement culturel (AARC) a été chargée de soutenir et de superviser la promotion du film. Interprété par Brenda Blethyn (vue dans Reviens-moi) et Sotiqui Kouyate (vu dans La vérité sur Charlie) et Roschdy Zem, London River porte sur les attentats terroristes du 7 juillet 2007 dans la capitale britannique. Il est probable que la discussion entre la ministre de la Culture et les deux hommes de cinéma ait tourné aussi sur le prochain film de Bouchareb Outside the law (Hors la loi) qui mettra en scène les massacres du 8 mai 1945 en Algérie et que le réalisateur compte entamer dans les meilleurs délais. Pour l'instant, on ne peut que souhaiter bonne chance à Rachid Bouchareb dans la course vers l'Ours d'Or qui, comme toujours à Berlin, s'annonce rude. Après les prix d'interprétation masculine à Cannes et le César du meilleur scénario pour Indigènes, Rachid Bouchareb mérite une distinction en tant que réalisateur. Pendant ce temps, le remuant Lyes Salem poursuit sa moisson de prix, caracolant de festival en festival, l'escarcelle toujours plus remplie. Son Mascarades n'aura bientôt plus de place sur son affiche : Premier prix au festival d'Angoulême, prix du Meilleur film arabe au Festival du Caire, prix de la Meilleure œuvre et Meilleur espoir féminin à Carthage, deux prix au festival de Namur, Grand prix de la fiction au festival des cinémas d'Afrique, et Grand prix du public au festival Lumières d'Afrique de Besançon, Muhr d'Or du film arabe à Dubaï et prix de l'Association internationale des citriques, prix d'interprétation masculine pour Lyes Salem, etc. N'en jetez plus ! Voilà qu'il est nominé pour le César du premier long métrage, une compétition où il avait déjà obtenu avec Cousines, celui du court métrage de fiction.On peut bien sûr considérer que Bouchareb comme Lyes Salem vivent à l'étranger. Mais, outre que le cinéma, depuis ses débuts, n'a pas attendu la mondialisation pour être un art international, en tournant ici, en glanant des prix, en se réclamant de leur origines, en étant des exemples (et des formateurs) pour les jeunes cinéastes, ils peuvent devenir, avec d'autres valeurs sûres de notre cinématographie, les locomotives d'une relance lyqui, elle, bien entendu, nécessite un soutien encore plus fort et plus résolu. Les lauriers peuvent parfois chasser les épines.