Le procès de la Banque commerciale et industrielle d'Algérie en est à son quatrième jour, et la ligne de défense des accusés, des anciens chefs de service de l'agence BEA de Sig, ne change pas. Que ce soit Lotfi Mohamed, responsable du service exploitation, le premier à passer devant le juge, ou encore les deux prévenus qui se sont relayés, hier, à la barre, Benyettou Nacer, service caisse, et Bentayeb, engagement et secrétariat, les trois n'ont pas hésité à charger le défunt Arjoun Miloud, le directeur de l'agence de Sig, en déclarant agir sur ses ordres. La journée d'hier a donc connu un scénario conforme aux précédentes auditions avec des accusés qui nient les charges retenues contre eux et qui se déchargent sur le grand absent à ce procès. Benyettou Nacer, chef de service caisse depuis la fin de 2002, est le premier à répondre aux questions du juge. “Ce qui se passe me dépasse de loin pour que j'y sois impliqué”, dira-t-il d'emblée. “Ma signature (catégorie B, ndlr) n'engageait pas la banque, le paraphe du directeur ou celui de ses adjoints (catégorie A) étant les plus importants sur un chèque certifié”, précisera-t-il comme préambule à sa défense. “Ana maranich fahem pourquoi je suis incarcéré depuis 4 ans, je ne peux pas débiter un compte sans provision parce qu'il y a des responsables au service provision”. Benyettou continuera à affirmer qu'il n'était qu'un simple exécutant. “El moudir, Allah irahmeh, m'ordonnait de signer les chèques et j'obéissais. Il était le premier responsable”, avant d'ajouter qu'il soumettait les pièces comptables chaque jour et que “jamais personne ne m'a rien demandé”. Le juge s'informera sur le rôle et les prérogatives de la caisse avant d'enchaîner sur les traites. “Khatini, je n'ai rien à voir avec les traites”, répondra catégorique le prévenu. “Le service portefeuille reçoit la traite, la transmet pour escompte au directeur et la caisse signe sur la conformité des pièces comptables”, précisera-t-il. –“Même si je ne signe pas la traite, elle passera quand même”, affirme Benyettou. – “Pourquoi alors signer ?” demandera le président du tribunal. – “Ce n'est pas très important parce que j'ai une signature de catégorie B et la A vaut deux fois la B. Mon rôle n'est pas de vérifier les provisions”. – “Mais vous êtes chef de service caisse !” – “Mon travail se limitait à confirmer que les chèques sont conformes avec les pièces comptables, et je n'ai jamais certifié un chèque sans provision sans l'aval du directeur d'agence”, répondra-t-il. Le juge revient sur les 217 chèques rejetés portant la signature de l'accusé. Benyettou persiste dans ses réponses en affirmant n'avoir obéi qu'aux ordres de son supérieur hiérarchique et que les chèques passaient avec la dérogation de ce dernier. Le président du tribunal, rappelle alors Lotfi Mohamed qui rejettera une part des responsabilités sur Benyettou. “Ma signature intervenait après celle de Benyettou et que si ce dernier ne signait pas en premier, le chèque n'arriverait pas à notre niveau. Je ne peux pas signer un chèque s'il n'est pas certifié par le caissier, mina moustahilet”. Concernant les 217 chèques, il dira qu'ils sont arrivés durant la même période (11, 13 et 18 mai 2003) avec la dérogation du directeur d'agence. “Le directeur d'agence ne signait jamais rien” Il confirmera, un peu plus loin, l'histoire de dérogation du directeur en absence de provisions. Quant à Benyettou, il maintiendra avoir apposé la DAP (disposition à payer) sur les chèques avec la dérogation de Arjoun Miloud. La partie civile, représentée par 6 avocats, revient sur le rôle du caissier en insistant sur sa responsabilité. L'accusé ne change en rien ses déclarations et se décharge sur l'ex-directeur d'agence en affirmant que c'était le seul qui détenait la clé de forçage des codes. “Est-ce que la certification d'un chèque se fait sans la signature du chef de service caisse ?” interrogera un des avocats. Benyettou, après avoir rappelé sa condition d'exécutant, répondra par la négative. La partie civile s'étonnera, ensuite, sur les 74 chèques, sans provision, certifiés en une seule fournée, pour un client de Boumerdès sans que cela ne l'ait choqué outre mesure. Le procureur, à son tour, interrogera le prévenu sur “cette histoire de signature de catégorie B”. – “Ma signature n'a aucun effet lorsque les deux autres signatures sont portées. Ma signature n'engage en rien la banque”, répétera-t-il. Le représentant du parquet, solennel : “Il n'y a pas de signature sans responsabilité”, avant de lui demander s'il avait le droit de vérifier les soldes, ce à quoi Benyettou répondra par la négative. – “C'est quoi la DAP ?” questionnera-t-il. – “J'apposais la DAP sur ordre du directeur d'agence”, clamera Benyettou. La défense de l'accusé appellera alors Lotfi pour d'autres questions qui tourneront autour de la responsabilité du caissier concernant les chèques certifiés. – “Les chèques étaient-ils certifiés parce qu'approvisionnés ou parce que les traites étaient escomptées ?” demandera l'avocat de la défense. Lotfi : “Les chèques sont certifiés grâce à la dérogation du directeur d'agence.” – “Qui a le pouvoir de rejeter un chèque certifié ?” – “Le directeur”, répondra-t-il. Bentayeb Mohamed, chef de service engagement et secrétariat à la même agence, est le quatrième inculpé à être appelé à la barre. À la question de connaître sa position par rapport aux accusations portées contre lui, Bentayeb plaidera l'innocence en déclarant qu'il a été nommé à ce poste en 1994 avant de voir Lotfi Mohamed promu au même poste en 2001. “J'ai demandé au directeur la raison de la nomination de 2 responsables pour un même service pour une petite agence de catégorie C. Il m'a répondu que je devais travailler avec Lotfi et l'aider”. Bentayeb insistera sur son refus d'assumer la responsabilité de la signature de catégorie A. “J'ai refusé la A, mais le directeur m'a imposé ça”. – “De 2002 à 2003, où étais-tu ?” demandera le juge. –“J'étais l'adjoint de Lotfi”. Bentayeb essayera tout au long de ses réponses de préciser qu'il n'était que l'adjoint de Lotfi Mohamed sur ordre de son directeur. Quant aux traites, il indiquera qu'il agissait sous les ordres de Arjoun qui lui demandait la rédaction de lettres d'authentification pour les traites. Quant à la vérification des traites, il dira n'avoir jamais cherché à les vérifier puisque “le directeur me l'ordonnait”. Des traces écrites de ces ordres, il réitèrera les affirmations de ses prédécesseurs à la barre selon lesquels il n'y a avait jamais d'écrits de la part du directeur d'agence. Le procès reprendra samedi prochain avec l'audition attendue de l'un des plus importants clients impliqués dans l'affaire des traites avalisées, Ahmed Fouatih Belkacem qui a été appelé hier à la barre. SAID OUSSAD