La situation dans ce quartier précaire, loin d'être reluisante, semble se compliquer pour les 146 familles y résidant. C'est ainsi qu'une délégation des habitants se rendra demain à Alger pour rencontrer le chef du gouvernement. Depuis la mi-décembre où des mises en demeure ont été envoyées à un premier groupe de 45 familles, qui se trouvent ainsi menacées directement par une démolition de leurs habitations précaires, la situation s'est très nettement compliquée avec la réaction de l'ensemble des familles se trouvant sur ce site destiné à être éradiqué. Dernièrement, des dizaines de familles se sont regroupées durant des heures devant le siège de la daïra d'Es Sénia dans l'espoir d'avoir une entrevue avec le chef de daïra. “Nous demandons au chef de daïra d'annuler la liste des 21 familles recensées pour une opération de relogement, car ces dernières ne sont que très récemment installées au douar et nous n'acceptons pas que la priorité du logement ne nous revienne pas à nous, qui vivons pour certains depuis 20 ans à Cheklaoua”, nous explique l'un des pères de famille. Et d'ajouter :“Nous n'avons jamais bénéficié de logements sociaux alors que nous avons déposé des demandes depuis des années. Pour nous, il n‘est pas question que seule une partie des familles soit relogée et les autres jetées à la rue. Nous ne quitterons les lieux que si l'ensemble des 146 familles est relogé ! Dimanche, une délégation va se rendre à Alger et nous expliquerons au gouvernement ce qui se passe réellement ici à Es Sénia !” Un vieil homme nous parle ainsi : “Il faut voir ce que nous supportons depuis des années, il faut nous aider. Le chef de daïra, qui n'a aucune honte, nous a dit de retourner dans notre wilaya”. Pour le chef de daïra, joint par téléphone, il faut d'abord savoir que ”ce douar est composé de constructions illicites et je n'ai pas de logement à distribuer ! La liste des 21 familles dont il est question concerne ceux qui gênent le tracé de la voie du chemin de fer”. Et d'ajouter plus loin : “À chaque fois qu'il est question de relogement, vous avez des gens qui viennent s'installer et attendent d'être recensés pour un logement. On sait comment ça se passe, il y en a qui ont eu un logement et l'ont revendu. Ces familles qui se sont installées ici n'ont qu'à retourner dans leur wilaya d'origine ! Moi, je n'ai aucune preuve qu'elles vivent là depuis vingt ans comme elles disent.” Sentence terrible et choquante mais qui, en réalité, ne fait qu'accroître les tensions car la loi ne permet pas “le renvoi manu militari” de populations vers leur lieu d'origine, sinon cela voudrait dire que nous vivons un système d'apartheid. Si, certes, trop souvent, des gens sans scrupules ont profité des situations confuses pour se faire attribuer des logements sociaux et les monnayer par la suite, c'est parce que justement l'administration n'a pas été en mesure de clarifier la situation ou comme le soupçonnent certains de nos interlocuteurs, l'administration s'arrange de cette situation confuse. Pour en revenir au douar Cheklaouia qui, par le passé, nous dit-on, avait déjà été éradiqué, différentes listes de recensement sont en voie d'être dressées par les daïras d'Es Sénia et d'Oran. D'où cette crainte née chez les 146 familles, qui redoutent que certaines familles ne fassent les frais d'une situation qui paraît inextricable jusqu'à présent. Mais ce qui est le plus à craindre, c'est cette menace de démolition qui plane et la position intransigeante des familles qui le répètent : “Pas question que certains seulement soit relogés, c'est tous ou personne !” Tout un chacun se rappelle encore des émeutes qui ont suivi une opération de démolition au quartier El Hassi. F. BOUMEDIÈNE