Le renseignement américain est formel, la situation en Irak va encore empirer. Le pronostic est tombé au moment où les autorités de Bagdad se déclarent assez optimistes sur les effets du nouveau plan américain que plusieurs pays dans la région, notamment les pays du Golfe, l'Egypte et la Jordanie, ont appuyé. Les 16 agences constituant les services américains imputent la poursuite de la descente aux enfers en Irak aux violences entre chiites et sunnites. Leur rapport ne souffre d'aucune ambiguïté, il conclut à une augmentation du rythme de la guerre intercommunautaire, lors des 12 à 18 prochains mois. Le rapport ne fait pas que relater une évidence ; entre ses lignes se profile un soutien au plan de Bush, présenté comme la seule alternative. Les services américains estiment, en effet, qu'un retrait rapide des marines et GI's, réclamé par l'opposition démocrate américaine, serait catastrophique. “Si un retrait rapide avait lieu, nous estimons que les forces de sécurité irakiennes ne survivraient probablement pas en tant qu'institution nationale non confessionnelle”, avertit le document. Les services américains ne parlent pas d'éclatement de l'Irak de l'intérieur mais met en garde contre la forte probabilité, en cas de désordre politique, contre une intervention de voisins de l'Irak, c'est-à-dire, de l'Iran déjà accusé nommément par le président Bush d'attiser le feu à Bagdad en manipulant les cartes chiites. Le rapport, qui estime également que la voie serait alors toute ouverte à Al-Qaïda à l'intérieur et à l'extérieur du pays, assure que le nombre des victimes civiles et de réfugiés sera incommensurable. Déjà, la majeure partie de la classe moyenne a pris la fuite et près de 100 Irakiens tombent chaque jour. Pour accréditer le choix de Bush de dépêcher une vingtaine de mille soldats à Bagdad, le rapport est pessimiste sur la capacité des forces de sécurité irakiennes, notamment la police, à assumer davantage de responsabilités dans les prochains mois, et, surtout, à couper leurs liens avec les milices chiites. Par contre, en termes de prospectives, les services américains ne partagent pas les prédilections de Bush. Alors que le locataire de la Maison-Blanche refuse de qualifier la situation en Irak de guerre civile, ses services font état de signes de guerre civile. Prenant les devants, le secrétaire à la Défense, Robert Gates, a rejeté avant la publication du rapport l'idée de guerre civile estimant que le concept simplifie trop une situation très complexe. Selon lui, il y a quatre guerres en cours en Irak : une est chiites contre chiites, surtout dans le sud. La deuxième chiites contre sunnites, surtout à Bagdad, mais pas seulement. La troisième fomentée par des insurgés irakiens, il ne les qualifie pas mais tout le monde pense aux fidèles de l'ex-président Saddam, pendu après un simulacre de procès. Enfin, la quatrième guerre est l'œuvre d'Al-Qaïda, la bête noire de la Maison-Blanche. Le conseiller de Bush à la sécurité nationale, Stephen Hadley, a estimé juste le rapport du renseignement américain en dévoilant qu'il a servi à énoncer le nouveau plan pour l'Irak qui prévoit 21 500 soldats supplémentaires aux quelques 138 000 militaires américains déployés en Irak. Mais cette stratégie suscite le scepticisme du Congrès qui doit débattre cette semaine d'un texte qui désapprouve le déploiement de soldats supplémentaires. D. Bouatta