Dans le dernier rapport de la Banque mondiale sur la question, l'auteur du texte souligne qu'il existe un lien fort entre la gouvernance, la corruption et le développement. La région du Moyen-Orient Afrique du Nord souffre d'un déficit en matière de gouvernance comparativement à d'autres régions du monde. C'est du moins le constat dressé par Daniel Kaufmann, directeur pour la gouvernance à l'Institut de la Banque mondiale hier, lors du colloque co-organisé par le Conseil national économique et social (Cnes) et la Banque mondiale (BM), sur les thèmes des “libertés économiques, la gouvernance et la pauvreté”, au Palais des nations du Club-des-Pins. L'Algérie, qui a enregistré des progrès en matière de gouvernance durant les dernières années, reste tout de même à la traîne dans quasiment tous les domaines. Sur le plan de l'efficacité du gouvernement, elle est devancée par la Tunisie, le Maroc, l'Egypte et même le Liban. C'est le cas aussi pour le contrôle de la corruption. Environ 38% des entreprises font état de pots-de-vin fréquents pour obtenir des contrats de marchés publics en Algérie. Quant aux institutions, seules la liberté de la presse et la police sont jugées d'une manière satisfaisante par les entreprises algériennes. Et encore, le pourcentage des entreprises émettant une opinion satisfaisante concernant la liberté de la presse dans notre pays a chuté de 80% en 2003 à environ 43% en 2006. Par contre, l'opinion des entreprises est défavorable au sujet du cadre légal, de l'indépendance de la justice et du rôle du Parlement, même si une légère amélioration est enregistrée. On estime qu'une “amélioration d'une déviation standard dans la gouvernance d'un pays hausse son revenu par habitant de quelque 300% à long terme”. Pour rappel, les indicateurs mondiaux de la gouvernance, cités dans le dernier rapport de la Banque mondiale, “Governance Matters, 2006”, font ressortir que sur 68 pays, l'Algérie est devancée par une quarantaine d'Etats en matière de contrôle de la corruption. Daniel Kaufmann parle de stagnation de la gouvernance (indépendance de la justice) à travers le monde. Il souligne l'absence de tendance claire concernant les moyens de lutte contre la corruption à l'échelle mondiale, alors que d'autres domaines des politiques économiques et sectorielles se sont améliorées. Certains intervenants se sont interrogés sur le bien-fondé des indices de gouvernance utilisés par la Banque mondiale et pose la question des limites des enquêtes qui ont été réalisées, en évoquant parallèlement le mécanisme d'évaluation par les pairs, mis en œuvre dans le cadre du Nepad. Cependant, les messages à retenir de la présentation de Kaufmann sont qu'il existe un lien fort entre la gouvernance et donc la corruption et le développement. Le directeur pour la gouvernance à l'Institut de la Banque mondiale souligne que toutes données sur la gouvernance, les institutions et le climat de l'investissement sont sujettes à des marges d'erreur. Elles ne sont pas faites pour effectuer des classements précis par pays, mais plutôt pour faire ressortir les forces et les faiblesses et tirer des leçons en termes d'analyse et de politique publique. Pour autant, le Cnes n'est pas loin du constat de la Banque mondiale. Djoudi Bouras, chef de la division des études économique du Cnes, parle de décalage entre volonté politique de modernisation, une codification juridique qui tente de suivre, une application des textes qui traîne, une organisation et des instruments inadaptés voire archaïques et de multiples résistances au changement. Il qualifie la gouvernance d'aléatoire. Il évoque les nombreuses insuffisances qui affectent le système économique algérien : peu de capacité de compétitivités avérées en dehors des produits miniers, faiblesse d'encadrement de l'économie, coexistence de formes de régulation qui ne sont pas toujours compatibles avec le marché… Le chef de la division des études économiques du Cnes met en exergue la lente progression des réformes, alors que le secteur privé, représente 86% du produit intérieur brut hors hydrocarbures, 40% des industries manufacturières, 95% du secteur agricole et 72% dans les services. En dépit de cette avancée, le secteur privé est quelquefois frappé d'ostracisme, ajoute-t-il. En tout état de cause, le Cnes et la Banque mondiale ont décidé de développer et de mettre en œuvre un programme de collaboration. Un mémorandum d'entente et de coopération a été signé dans ce sens. L'accord s'articule essentiellement autour de trois axes, à savoir le renforcement des capacités d'analyse du Cnes sur les thèmes de la gouvernance, des libertés économiques et de la pauvreté, alors que le deuxième porte sur l'appui à la préparation des rapports annuels du Cnes. Le troisième axe relève de la participation de la BM aux efforts d'information, de dissémination (aux niveaux national, régional et continental) et de consultation qu'entreprend le CNES. Meziane Rabhi