Bagdad, vers laquelle les troupes américaines ont effectué, hier, une percée, sera une étape déterminante dans cette guerre. Quatorze jours après le début de la deuxième guerre du Golfe, les troupes de la coalition ont perdu 73 hommes. 46 soldats américains ont été tués, selon le Pentagone. 38 sont morts au combat, les 8 autres militaires lors d'accidents ou, pour deux d'entre eux, lors de l'attaque aux grenades dans un camp au Koweït par un GI. L'armée britannique a enregistré 27 victimes dans ses rangs. Six soldats ont été tués au combat, 16 sont morts accidentellement, cinq ont été tués par des “tirs amis”. Côté irakien, la guerre a tué de 445 à 817 Irakiens, selon le gouvernement irakien qui ne distingue pas les civils des militaires, mais affirme, d'une manière générale, que la quasi-totalité des victimes qu'il annonce sont des civils. Il apparaît clairement qu'il est impossible de tenir une comptabilité exhaustive et exacte des victimes ennemies annoncées de part et d'autre. Ce n'est pas seulement une bataille militaire, mais une guerre de l'information, qui se déroule actuellement en Irak. Et dans cette bataille symbolique, la frontière est mince entre information et propagande. Les médias de pays en guerre servent de caisse de résonance à leurs gouvernements respectifs. Les informations livrées aussi bien par les Américains que par les Irakiens sont dans les deux cas sujettes à caution. Et cette bataille va faire rage dans les jours à venir d'autant plus que le conflit va s'inscrire dans la durée, contrairement aux prévisions des stratèges du Pentagone. L'offensive des forces américano-britanniques contre l'Irak n'a pas été une guerre “éclair”. Le secrétaire d'Etat à la Défense, Donald Rumsfeld, qui avait promis une guerre d'une dizaine de jours, tout au plus, est mis à mal par des experts militaires américains qui lui reprochent d'avoir fait de mauvais calculs. Les Américains ont même été amenés à revoir à la hausse les effectifs des troupes engagées dans la bataille dont le plan devrait également subir des modifications. Premier signe de l'échec de la stratégie de la coalition américano-britannique, du moins deux semaines après le lancement des attaques contre l'Irak : le régime ne s'est pas encore effondré, et Saddam Hussein, principale cible de cette offensive, est toujours en place si l'on se fie aux déclarations des responsables irakiens. Le dictateur irakien dirige toujours son pays même si ses apparitions deviennent de plus en plus rares. Et encore personne ne sait s'il s'agit bien de lui ou de l'un de ses sosies. Les frappes de l'aviation de la coalition n'ont pas été aussi “chirurgicales” que l'avait promis le Pentagone. Car malgré toutes les précautions prises par les forces américano-britanniques, il y a eu des bavures et des victimes civiles. Et c'est précisément cette raison qui fait de ce conflit une guerre inédite. C'est la première fois dans l'histoire qu'un pays doit envahir un autre pays en veillant à faire le moindre dégât possible. Certes, la résistance inattendue des troupes irakiennes a ralenti l'avancée des troupes de la coalition qui ont mis près de deux semaines pour s'emparer du port d'Oum Qasr mais toutes ces précautions ont également largement contribué à reporter la prise des principales villes assiégées. Certes, le droit international a pris un sacré coup puisque la coalition a déclenché les hostilités sans un mandat de l'Onu même si les Américains soutiennent qu'il ne s'agit pas de coloniser l'Irak mais de décapiter le régime pour, disent-ils, faire émerger une nouvelle classe politique dans ce pays. Pour le moment, la vraie bataille n'a pas encore eu lieu. La vraie guerre va commencer avec l'offensive des troupes américano-britanniques sur Bagdad. R. B.