Il a fallu plus de deux semaines aux coalisés pour atteindre les portes de la capitale irakienne. L'heure est aux derniers préparatifs avant le lancement de l'ultime bataille. L'heure de vérité, tant pour les forces alliées que pour celles de Saddam Hussein, est arrivée. Sans s'assurer le contrôle des autres villes où les combats font toujours rage, les coalisés ont fait une fixation sur Bagdad, dont une partie de leurs forces a atteint la périphérie jeudi soir. Les Irakiens n'ont plus d'autre choix maintenant que de montrer de quoi ils sont capables pour défendre ce dernier bastion dont dépend la survie du régime. Les fameux Gardes républicains, que certains observateurs n'hésitent pas à mettre sur un pied d'égalité que les marines ou les GI's, constituent le dernier rempart de la capitale irakienne. Les choses sérieuses commencent donc pour les deux belligérants. Depuis jeudi, Bagdad est dans le noir et l'eau est devenue une denrée rare. Les explosions de plus en plus puissantes secouent les différents quartiers de la cité de Haroun-al-Rachid. Les forces américano-britanniques, qui s'affairaient, hier, à maîtriser totalement l'aéroport Saddam-Hussein face à une terrible résistance irakienne, prendront certainement le temps de se réorganiser avant de lancer l'ultime assaut. La prise de l'aérodrome sera considérée comme un “sérieux coup psychologique porté au régime de Saddam Hussein”, par les analystes. En réponse aux déclarations triomphalistes des Américains, le vice-Premier ministre irakien, Tarek Aziz, rétorque : “Bagdad est bien défendue et la guerre contre nous sera énorme et coûteuse s'ils s'en approchent.” L'ex-chef de la diplomatie irakienne poursuit : “Ils ne pourront pas s'emparer de Bagdad qui n'est pas une ville facile. Elle est très vaste, très bien armée, très bien défendue et très bien préparée à une telle éventualité.” Reste à savoir quelle tactique adopteront les forces américano-britanniques pour parvenir à leurs fins, surtout qu'elles redoutent énormément la guerre des rues. En effet, la guérilla est le cauchemar des soldats alliés. En attendant, les frappes aériennes contre Bagdad se poursuivent sans interruption. Elles visent particulièrement les casernes de la garde républicaine pour affaiblir au maximum les capacités de résistance de ses éléments, afin d'en venir à bout le plus rapidement possible. Côté irakien, les autorités officielles affirment que toutes les dispositions ont été prises pour que la ville résiste à un siège de sept mois. Les journalistes présents sur les lieux rapportent que les Bagdadis prenaient d'assaut tous les magasins, ouverts durant les jours de repos hebdomadaire, pour acquérir le maximum de vivres et gonfler leurs stocks, pour se mettre à l'abri le plus longtemps possible lorsque la bataille de Bagdad fera rage. Les coupures d'électricité, qui ont plongé la ville dans l'obscurité, ont poussé quelques habitants privilégiés à mettre en marche leurs générateurs individuels. Devant la rareté de l'eau, un nombre limité de boulangeries était en activité jeudi et vendredi. Absent des écrans de la télévision depuis quelques jours, le président irakien multiplie les discours lus par son ministre de l'Information, Mohamed Saïd Essahaf, pour tenter de couper court à toutes les rumeurs sur son état de santé ou sa mort, comme ne cessent de les propager les médias occidentaux. Aux dernières nouvelles, les coalisés tablent sur le soutien de la moitié des cinq millions d'habitants de Bagdad, chiites, qui a souffert des persécutions du régime et “qui ne sera probablement pas du côté du régime”, comme l'affirme le chef d'état-major américain, le général Richard Myers. Selon lui, “la situation tactique pourrait être très différente de ce que l'on imagine”. Ce sont des choses à vérifier sur le terrain, du moment que le début de cette bataille décisive est imminent. K. A.