Si les sujets internationaux sont de peu de poids dans la campagne électorale française, l'Algérie y a fait son entrée. À la différence des autres sujets, l'Algérie compte la première communauté étrangère dans l'Hexagone avec une forte proportion de binationaux appelés à voter. Il n'y a rien de comparable avec le Proche-Orient, la Chine ou l'Iran. La machine à broyer du Royal s'est quand même emballée à Paris, après les déclarations du conseiller spécial de la candidate socialiste à l'élection présidentielle. En visite dimanche à Alger, Jack Lang a plaidé pour une “reconnaissance (par la France) des crimes commis par la colonisation” comme alternative aux excuses réclamées par l'Algérie. Premier à réagir, le ministre des Affaires étrangères. Philippe Douste-Blazy, avec sa franchise sur les milliards à gagner en Algérie, a jugé lundi que la France devait cesser de “battre sa coulpe”. “Méfions-nous de la mauvaise conscience et de la repentance permanente. Tout cela est lié au raidissement de la mémoire, au souvenir nécessairement douloureux de la colonisation”, a déclaré le ministre longtemps tenu pour l'inspirateur de la loi abrogée sur les bienfaits de la colonisation. “Mais regardons vers l'avant. 74% des Algériens ont moins de 25 ans. Il faudrait maintenant tourner une page et arriver à regarder l'Algérie comme un partenaire d'égal à égal”, a poursuivi M. Douste-Blazy. Faisant allusion au vaste programme de privatisation des entreprises publiques lancé par les autorités algériennes, il a noté que les “Américains, les Britanniques, les Espagnols et les autres” étaient sur les rangs, alors que “les Français n'arrêtent pas de battre sa coulpe”. Toujours à droite, le député UMP souverainiste, Jacques Myard, a qualifié hier les propos de Jack Lang de “délit de révisionnisme de la vérité historique”. Ces propos sont “une véritable trahison des intérêts de la France”, écrit le député dans un communiqué. Il accuse M. Lang d'être “tombé dans le piège de la démagogie algéro-algérienne qui cherche à imputer à la colonisation française toutes les difficultés de l'Algérie actuelle”. “Une telle attitude constitue un délit de révisionnisme”, accuse-t-il en demandant à M. Lang de “présenter ses excuses aux Français qui ont œuvré pendant des décennies au profit de l'Algérie”. De son côté, le chef de l'extrême-droite, Jean-Marie Le Pen, a estimé que la France n'avait pas à exprimer de “regrets” à l'Algérie pour la période coloniale. “Si M. Lang entend par là les regrets que nous devrions avoir vis-à-vis de l'Algérie, c'est une opinion crapuleuse, c'est scandaleux de dire cela”, a déclaré M. Le Pen. Il a estimé que la France n'avait “bien sûr” pas d'excuses à présenter à l'Algérie, déclarant que la “repentance” lui “sortait par les yeux”. “Je suis fier d'être Français, j'accepte l'histoire de la France, quelle qu'elle soit, malgré ses erreurs, malgré ses faiblesses, et aussi grâce tout de même à son apport exceptionnel”, d'abord pour les Français, “et ensuite pour le monde”, a-t-il déclaré. Si les sujets internationaux sont de peu de poids dans la campagne électorale française, l'Algérie y a fait son entrée. À la différence des autres sujets, l'Algérie compte la première communauté étrangère dans l'Hexagone avec une forte proportion de binationaux appelés à voter. En somme, une affaire pas “si étrangère” que ça. Y. K.