D'un côté Jean-François Kahn, un vieux routier de la presse qui dirige l'hebdomadaire Marianne. Son magazine fait une large part à l'actualité algérienne. Il est sans ambiguïté par rapport au terrorisme. Sans complaisance par rapport aux islamistes. De l'autre, Jean-Baptiste Rivoire, un autre journaliste. Plus jeune et qui veut faire ses preuves. Lui aussi s'intéresse à l'Algérie. Et sur le sujet sur lequel il a voulu établir sa réputation. Il a réalisé des enquêtes sur Bentalha, Lounès Matoub, le détournement de l'avion d'Air France et les moines de Tibhirine. Sa conclusion : il n'y a aucune ombre islamiste derrière toutes ces atrocités. Lorsque, sur le sujet des moines, il a été contredit par un de ses confrères, Didier Cantont, il a entrepris de saper la réputation de celui-ci dans les rédactions parisiennes. Au point de le pousser au suicide. C'est ce que ne s'est pas empêché d'écrire Marianne. Dans un billet non signé et dont Jean-François Kahn, directeur de publication, avait assumé la responsabilité, l'hebdomadaire avait mis en cause “un certain lobby médiatique” cherchant à “dédouaner les islamistes algériens de leurs crimes”. Parmi les membres de ce lobby, l'hebdomadaire évoquait M. Rivoire. “On exerce des pressions sur Le Figaro Magazine qui refuse de publier la seconde partie du reportage de Contant” (ndlr : qui, lui, attribue aux islamistes la seule responsabilité de l'assassinat des moines, affirmait Marianne. Un peu plus loin, l'article poursuit : “Il craque. Le 15 février, il saute du septième étage. Didier Contant s'est suicidé à 43 ans.” Rivoire riposte en attaquant le magazine pour diffamation. Lors de l'audience de première instance, les témoignages ont été accablants contre Rivoire. La compagne de Contant qui vient de publier “le Huitième mort de Tibhirine”, ses amis, l'ancien rédacteur en chef du Figaro Magazine ont raconté la pression intenable... Pourtant, Rivoire aura gain de cause. En appel, les choses se sont inversées. Marianne vient de gagner le procès L'avocat de M. Rivoire, Me William Bourdon, a indiqué que son client avait formé un pourvoi en cassation contre cette décision rendue par la 11e chambre de la cour d'appel de Paris qui a en totalité relaxé M. Kahn. “Il ne peut être fait grief à l'auteur de ce bref article destiné à l'évidence (...) à exprimer son opinion sur la force d'un lobby médiatique auquel il est opposé, d'avoir ainsi désigné ledit lobby ou Jean-Baptiste Rivoire comme étant les responsables directs et exclusifs de la mort de leur confrère”, affirme l'arrêt. Y. K.