Les walis de 47 wilayas sont chargés de canaliser ces manifestations. Les marches de soutien au peuple irakien prévues, aujourd'hui, à travers les 47 wilayas du pays, à l'exception de la capitale, sont loin d'être des manifestations populaires spontanées puisque l'administration y met, encore une fois, du sien. En effet, l'expression populaire de solidarité avec le peuple irakien qui subit, depuis une semaine, les bombes des forces américano-britanniques sera aujourd'hui sous le contrôle du “pouvoir”. Les walis des 47 wilayas ont réuni, hier, les chefs locaux de partis politiques, d'associations et autres organisations nationales et ce, afin de discuter des modalités liées au déroulement de ces marches communes de soutien. Mieux encore, les chefs d'exécutifs de wilaya se sont même permis de dicter les mots d'ordre et autres slogans des manifestations. Ces pratiques administratives, révolues même dans les régimes policiers, sous-entendent que le droit constitutionnel de manifester demeure confisqué au citoyen algérien. Au lieu de réprimer les manifestations comme cela a été fait jusque-là, le département ministériel de Zerhouni “s'approprie” ces opérations et les gère comme une simple formalité. Le parti de Louisa Hanoune, qui tient à organiser aujourd'hui une marche à la place des Martyrs malgré l'interdiction signifiée par les autorités, estime, selon un communiqué “urgent”, transmis à notre rédaction, que les manifestations d'aujourd'hui sont une “opération politique de camouflage, comme celles qui ont été organisées pour la Palestine”. Le Parti des travailleurs ajoute que ces pratiques des walis sont “une atteinte intolérable au multipartisme” et démontrent “la volonté d'imposer au peuple algérien une position officielle pour le moins équivoque sur la guerre d'occupation de Bush et Blair”. Le moins que l'on puisse dire, à ce propos, c'est que l'annonce de la levée d'interdiction de manifestation ne consacre en aucun cas la restitution au peuple algérien sa libre expression. La décision de l'ouverture du champ d'expression populaire a fait l'objet, rappelons-le, d'un grand battage médiatique. La présentatrice du JT de lundi dernier a pris même le soin de lire à deux reprises le communiqué de levée d'interdiction. Néanmoins, il s'avère important de signaler que des mouvements de marches de soutien et de solidarité avec le peuple irakien sont annoncés aujourd'hui dans l'ensemble des wilayas du pays, à l'exception d'Alger. Notre chef de bureau à Sétif relève que l'administration et les services de sécurité ont la haute main et veillent au grain quant à la préparation de la manifestation qui démarrera du boulevard 8-Mai-1945. Les Sétifiens qualifient la marche d'aujourd'hui de “cocotte minute” par allusion à la soupape de sécurité qui permet d'évacuer la pression sans risque d'explosion. A Annaba, bien qu'aucun communiqué officiel n'ait été rendu public dans ce sens, une manifestation populaire est autorisée pour ce matin. Notre chef de bureau a signalé que les Bônois seront certainement nombreux à répondre présent et à adhérer à l'initiative d'El-Islah, du FLN, du RND... Dans la ville d'El-Bahia, les Oranais battront aujourd'hui le pavé de la place Garguenta et place du 1er-Novembre. Selon notre correspondante, la “machine” administrative locale s'est déjà mise en branle pour rameuter leurs relais et faire de cette marche un succès du président de la République. A Constantine, la marche même si initiée par l'union de wilaya de l'UGTA est élargie aux formations politiques. Une réunion a été présidée, hier, à cet effet par le premier magistrat de la ville des Ponts suspendus. R. H.