Seul le PT continue à dénoncer la «mise en quarantaine» d'Alger. La marche de solidarité avec le peuple irakien programmée aujourd'hui dans la capitale saura-t-elle briser le mur du silence immobilisant la rue algérienne? Le test est décisif, il y va de la crédibilité des partis qui se sont engagés dans le processus de mobilisation contre la guerre en Irak. Ces derniers ont choisi la rue, et, pour le moment, cette rue refuse de suivre leur mot d'ordre. Peut-on dire pour autant que les Algériens ne sont pas solidaires avec le peuple irakien ? Il est clair que la question semble puérile et vaine, dans la mesure où l'on n'a pas besoin de sondage pour prouver le contraire. Le problème étant de savoir pourquoi les Algériens boudent ces partis. Certains observateurs évoquent la circulaire de M. Zerhouni relative à l'interdiction des marches. Un argument très peu crédible, sachant que traditionnellement la rue algérienne n'a jamais prêté attention à ce genre de mise en garde. Pour d'autres, les problèmes internes ont fini par créer une rupture profonde avec le monde extérieur, comme si le peuple algérien hésitait ou peut-être n'a-t-il plus la force de sortir de sa tanière dans laquelle l'a plongé une décennie noire, ayant fauché la vie à plusieurs milliers de personnes. C'est un deuil perpétuel qui refuse d'être dérangé. Théoriquement cette thèse semble la plus proche de la réalité, même si quelques réserves tendent à se manifester. La foule incalculable qui est sortie accueillir le président Chirac lors de sa visite d'Etat effectuée du 2 au 4 mars dernier a remis en cause réellement cet avis. Face à cette situation, il semble que c'est la capacité de mobilisation des partis politiques qui est sérieusement mise en doute. Le PT, El-Islah et le MSP n'ont pu drainer pour le moment la foule escomptée en dépit de la légitimité de leur revendication, en dépit étrangement aussi de l'adhésion populaire à leur thèse. A noter aussi que, par choix tactique ou par calcul politique, des formations de l'opposition ont préféré, de leur côté, ne pas rejoindre les initiatives de marche, en se contentant de communiqués officiels, comme c'est le cas notamment du RND qui a condamné, dans le communiqué ayant sanctionné la réunion de son bureau national «les attaques sauvages contre le peuple irakien». La situation en Kabylie a freiné la mobilisation des partis comme le FFS ou le RCD prônant pourtant dans leurs programmes respectifs les valeurs universelles des droits de l'Homme. Par ailleurs, l'on apprend que le parti de Djaballah a fait marche arrière en annulant sa participation à la marche prévue aujourd'hui à Alger. Ce n'est pas le cas du MSP et du PT. Ce dernier a réitéré l'appel à la mobilisation «des travailleurs, des femmes, des jeunes pour la marche pacifique unitaire qui s'ébranlera de la place des Martyrs à Alger aujourd'hui». Dans un deuxième «communiqué urgent», le PT a dénoncé ce qu'il a appelé «une opération politique de camouflage» qui se prépare dans la majorité des wilayas. «Les walis ont réuni les partis, les associations et les organisations nationales pour organiser, sous le contrôle de l'administration, aujourd'hui, des marches communes de soutien aux Irakiens dans 47 wilayas», plus grave encore, ajoute le communiqué «les walis se permettent de dicter aux partis les mots d'ordre de la marche et leur demandent de se dissoudre dans le mouvement.»