Israël a accentué la pression sur Damas alors que plusieurs civils irakiens ont encore été tués durant les dernières vingt-quatre heures. Les principales villes irakiennes continuaient, au douzième jour de la guerre, à croupir sous les bombardements et les raids aériens de plus en plus féroces des forces américano-britanniques. Les Etats-Unis semblent, dans le même temps, ouvrir un autre front qui s'inscrit dans sa logique unilatérale d'agression et d'agressivité. Le secrétaire d'Etat, Colin Powell, tenu à l'écart des grandes décisions relatives aux attaques militaires, a renouvelé les mises en garde de l'Administration Bush contre la Syrie et l'Iran. La plus visée reste Damas que Powell a accusée de soutenir des groupes terroristes susceptibles de nuire à la guerre. “La Syrie peut continuer à soutenir directement les groupes terroristes et le régime à l'agonie de Saddam Hussein, ou elle peut s'engager sur une voie différente et plus porteuse d'espoir”, a-t-il affirmé, dimanche soir, devant le Comité des affaires publiques israélo-américain, un groupe foncièrement pro-israélien et crédité d'une grande influence auprès du Congrès américain. Vendredi déjà, le secrétaire d'Etat à la Défense, le très controversé, Donald Rumsfeld, sommait Damas d'arrêter ses fournitures d'armes secrètes au régime irakien. L'allié stratégique des USA au Proche-Orient, l'Etat d'Israël évidemment, s'est cru devoir intervenir pour enfoncer les Syriens. Un haut responsable des services secrets a reproché au régime de M. Bachar El-Assad d'avoir prêté assistance à son voisin dans les jours qui ont précédé le déclenchement des hostilités. “L'Irak a peut-être transféré en Syrie des missiles et des armes de destruction massive”, a déclaré le général Yossi Kupperwasser, chef du département recherche du renseignement militaire. Au mois de décembre dernier, Ariel Sharon lui-même affirmait disposer d'informations établissant le fait que l'Irak ait transféré “des armes non conventionnelles en Syrie”. “… Nous sommes sûrs, avait-il averti, que l'Irak a récemment transféré des armes chimiques ou bactériologiques en Syrie”. Douze jours après l'invasion américano-britannique, pas une seule trace d'armes de destruction massive n'a été trouvée. La riposte des autorités syriennes ne s'est pas fait attendre. Farouk Echaraâ a tenu des propos clairs et virulents : “L'intérêt de la Syrie est de voir les envahisseurs défaits en Irak”, a-t-il souligné, ajoutant : “Le gouvernement américain a conduit (son peuple) à la catastrophe en le mettant en confrontation avec la communauté internationale entière.” Un porte-parole du ministère de M. Echaraâ a précisé que son pays avait “choisi de se placer aux côtés du peuple irakien frère qui fait face à une invasion illégale et injustifiée et contre lequel sont commises toutes sortes de crimes”. Il a encore dit qu'il a “choisi d'être avec la légalité internationale représentée par l'ONU et le Conseil de sécurité dont le rôle est de préserver la sécurité et la paix mondiales.” Tommy Franks, qui dément tout malentendu avec Rumsfeld, a annoncé justement que la frontière ouest de l'Irak (avec la Syrie et la Jordanie) était désormais interdite d'accès. Près de 5 000 volontaires, arabes pour la plupart, seraient prêts à mener des attentats-suicides contre la coalition américano-britannique s'ils parvenaient à gagner le pays. Pendant ce temps, plusieurs civils étaient tués sur le territoire de l'Irak. Les bombardements et les raids intensifiés ont fait six morts et une dizaine de blessés à Bagdad. La banlieue sud de la ville a particulièrement été ciblée par les alliés pour abriter plusieurs casernes. Deux missiles ont touché le palais de la République, une des résidences de Saddam, sans faire de victimes. Selon des témoins, vingt personnes, dont onze enfants, ont trouvé la mort dans une ferme, dans la nuit de samedi à dimanche, au cours de frappes aériennes. Le commandement central américain a indiqué que les opérations des forces américano-britanniques ont fait près de cent morts à Nadjaf et Samawa, respectivement à près de 160 kilomètres et 300 kilomètres au sud de la capitale. De son côté, Mohamed Saïd Essahhaf, ministre irakien de l'Information, a affirmé que 43 soldats ennemis ont été tués au cours des 36 dernières heures. Saddam Hussein, lui, a été montré à la télévision présidant une réunion de ses collaborateurs dont son fils aîné Oudaï. L. B.