Spécialiste de l'histoire du Maghreb et du mouvement ouvrier international, René Gallissot revient dans ses deux ouvrages sur l'histoire du mouvement ouvrier algérien (1830-1962) et les rapports de la République française avec les indigènes (1870-1962). Dans ce travail qui fait partie de la série Maghreb du dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, le professeur propose une approche critique de l'histoire de l'Algérie contemporaine. Les deux ouvrages, Algérie : Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et Algérie colonisée-Algérie algérienne (1870-1962), parus aux éditions Barzakh, s'inscrivent dans le cadre d'un travail global de la série : Maghreb du dictionnaire biographique du mouvement ouvrier. Une série consacrée au mouvement ouvrier dans les pays du Maghreb durant la période coloniale. Le dictionnaire, qui regroupe plus de quatre cents noms de figures politiques, syndicalistes et intellectuels algériens, est consacré aux personnalités ayant marqué l'Algérie du milieu du XIXe siècle. Un travail biographique qui s'inscrit dans un cadre global initié par Métron, émérite professeur français que l'auteur a côtoyé. “Ce dictionnaire présente l'autre Algérie, celle des ouvriers algériens, des anonymes, entrés dans la bourse du travail au XIXe siècle. Car, il faut le préciser, on a tendance à croire que la classe ouvrière algérienne n'existe qu'en exil. Mais, il faut savoir qu'il a toujours existé une classe en Algérie et qui a participé aux premières grèves, notamment dans les cheminots dès 1936”, explique Gallissot. Cette classe, qui s'est formée dans les années 1930, a eu une très forte participation dans le travail syndicaliste, souligne le professeur, dans ce travail qui représentait une “promotion sociale pour les ouvriers algériens”. “Dès 1930, les Algériens intégraient le combat ouvrier, on les trouve dans les rangs de la Confédération générale des travailleurs (CGT) qui comptait des Algériens qui n'étaient pas titulaires, mais des auxiliaires”, dira le conférencier qui n'a pas manqué de préciser que ces travailleurs, justifiant d'un certificat d'études ou de brevet, constituaient le noyau de l'intelligentsia et du syndicalisme algérien. Il soulignera le retard de la formation de l'UGTA, 1956 comme syndicat représentant les travailleurs algériens qui “ne se considéraient pas exclus des formations syndicales existantes, la CGT, dont ils représentaient les deux quarts en 1956”. Le professeur Gallissot considérera que la bataille d'Alger, en 1957 et qui est partie d'un appel à la grève a eu pour effet l'écrasement de l'Algérie progressiste. “La bataille d'Alger a permis le ralliement des civils aux militaires, ce qui a fait que la lutte s'est déplacée dans les maquis, d'où l'émergence d'autres valeurs. Cette bataille a eu pour conséquence 3 000 disparus et des milliers de syndicalistes emprisonnés qui seront éliminés à leur sortie de prison dès 1963”. Mettant l'accent sur le rôle de la colonisation dans la consécration des inégalités et de la séparation, l'orateur précisera que cette colonisation a réduit les Algériens au statut religieux et ethnique, notamment après le décret Crémieux qui octroie la nationalité française aux indigènes juifs d'Algérie. Wahiba Labreche