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René Gallissot (Historien francais) : « Giscard d'Estaing était au courant de l'assassinat de Curiel »
Publié dans El Watan le 31 - 10 - 2009

René Gallissot a présenté jeudi, au Salon international du livre d'Alger (SILA), son dernier ouvrage, Henri Curiel : le mythe mesuré à l'Histoire, paru aux éditions françaises Riveneuve. Henri Curiel, communiste égyptien, a dirigé l'un des réseaux de soutien au FLN durant la guerre de Libération nationale. Il a été assassiné en 1978 dans des conditions troubles. Spécialiste de l'histoire du Maghreb, René Gallissot est auteur d'Algérie, engagements sociaux et question nationale.
Henri Curiel avait pris le relais du réseau des porteurs de valises animé par le philosophe Francis Jeanson pour soutenir les combattants algériens. Comment a eu lieu cette reprise en main ?
Le réseau Henri Curiel a continué et sécurisé le réseau Jeanson des porteurs de valises. En 1959, les jeunes « voltigeurs » sont arrivés, mais les véritables supports des réseaux Jeanson puis Curiel étaient les gens qui se sont joints à l'action d'Henri. Des gens sérieux, cela ne veut pas dire que les voltigeurs ne l'étaient pas. Mais les jeunes ne connaissaient pas toutes les règles de clandestinité. Ils se sont laissés emporter par leur mouvement plus que les autres. Le principal apport de groupe Curiel était le transfert des fonds. Des fonds énormes. L'immigration avait apporté ce qu'on a appelé après le trésor de guerre du FLN. L'argent avait été transféré vers la Suisse. Au début, les transferts étaient faits par des passages cachés. La connaissance de Curiel et de son entourage des banques a fait que les transferts se faisaient par virements. Le compte était au nom de Mme Curiel. Elle se rendait en Suisse, sortait l'argent et le remettait aux algériens. Il y avait peut-être une certaine tolérance de la part de la Suisse, mais l'opération était risquée. Cela avait fonctionné jusqu'à la deuxième vague d'arrestations d'Henri Curiel et de ses amis. George Mattei, qui n'avait pas été arrêté, avait continué l'action. Il avait tout fait pour organiser les rappelés de retour d'Algérie et organiser le réseau. Après l'indépendance de l'Algérie, Curiel avait transformé le réseau en organisation de solidarité qui soutenait les luttes de libération. Cela n'a pas été présenté fortement par les historiens. Dans mon livre, je développe cette partie et je reviens sur l'organisation par Mehdi Ben Barka de la Tricontinentale. J'évoque également l'effort de Curiel pour les rencontres entre les palestiniens et les israéliens.
Pourquoi Henri Curiel a-t-il été assassiné en 1978 ?
Lisez à la fin de l'ouvrage la liste des assassinats perpétrés sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing. Je ne dis pas qu'il est responsable, mais on ne peut rien faire en matière d'assassinat par les services sans l'aval du président de la République. Il ne pouvait pas ne pas être au courant. On a tué Curiel dans une sorte de guerre des services français et algériens. C'était la même arme qui avait servi à l'attentat contre l'Amicale des algériens en Europe. Les services français, le SDECE (ancêtre de la DGSE, ndlr), était dirigé par un super parano qui s'appelait Alexandre de Maranche. Il croyait qu'il avait pour mission de mener la lutte contre le KGB et de prendre la revanche sur les anciens partisans de l'OAS. Je ne voulais pas mettre toute la lumière sur cet assassinat. Je raconte ce que l'on sait. Il n'y a pas eu d'enquête. Mais en matière d'assassinat politique, cela se termine toujours par un non-lieu, sauf dans le cas de Mehdi Ben Barka. La raison en est simple : on ne peut pas prononcer le non-lieu parce qu'on n'a pas trouvé le cadavre. Henri Curiel devait être liquidé en 1962. Il était en tête de liste. La DST était contre son assassinat pour pouvoir suivre les mouvements qu'il animait en Afrique et ailleurs.
Vous écrivez dans le livre que Curiel était « un communiste juif égyptien douteux », selon le Parti communiste français. Pourquoi était-il « douteux » pour le PCF ?
En 1946, il y avait un fort mouvement de grève des étudiants et des ouvriers. Henri Curiel voulait fonder un parti communiste transnational à travers son organisation le Mouvement égyptien de libération nationale, créé en 1943. Cela n'a pas eu lieu en raison de la répression en Egypte. Il a été forcé à l'exil par le roi Farouk en 1950. Par la suite, le Parti communiste français a créé le Parti communiste égyptien en choisissant ses responsables. Le nom de Curiel est apparu dans l'exclusion d'André Marty, qui était le second du PCF. Charles Tillon, qui était l'ancien responsable du mouvement de résidence des franc-tireurs et partisans, a subi le même sort. Curiel, qui n'avait rien fait et qui n'était pas membre du PCF, a été accusé d'être un communiste égyptien douteux.


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