Le silence des dirigeants européens face à la nouvelle flambée de l'euro, qui atteint des niveaux record par rapport au dollar comme au yen, peut surprendre car il pourrait accélérer le phénomène, au risque de handicaper les exportations de certains pays de la zone euro. “Le quasi silence de nos dirigeants a été remarqué”, note Mathilde Lemoine, économiste de la banque HSBC. Au G7 Finances d'Essen en février, quand la monnaie unique ne se situait qu'à 1,29 dollar, les autorités européennes, inquiètes pour les exportations de la zone euro, étaient montées au créneau. Elles avaient dénoncé les opérations massives de “carry trade” (emprunts de yen pour le placer dans des monnaies plus rémunératrices), qui minent la devise nippone face à l'euro depuis des mois. Mais alors que l'euro bat record sur record face au yen et se situe à deux doigts de son sommet historique de 1,3666 dollar, atteint fin décembre 2004, les autorités européennes restent plus que discrètes. Le G7 Finances de Washington, le week-end dernier, s'est contenté de répéter qu'une “volatilité excessive et des mouvements désordonnés des taux de change sont indésirables”. Seul le ministre français de l'Economie Thierry Breton a appelé à la “vigilance” face à l'euro fort. Alors que ce silence persiste, il est de plus en plus interprété par les marchés comme un feu vert à une plus ample appréciation de l'euro. D'autant plus que la Banque centrale européenne (BCE) devrait relever de 3,75% à 4,0% son taux directeur en juin, tandis que la Réserve fédérale américaine (Fed) pourrait au contraire abaisser ses taux, ce qui ne fera qu'accentuer ce mouvement.