Ces juges sont en déplacement à Alger pour faire connaître l'expérience de leur pays en matière de pôles judiciaires régionaux. Les amendements du code de procédure pénale l'année dernière ont été suivis de textes d'application dont un décret en 2007, portant création de 4 pôles judiciaires. Ces entités régionales à l'apparence de supercours sont implantées à Alger, Oran, Constantine et Ouargla. Chacune coiffe une dizaine de tribunaux. Le but de cette nouvelle organisation étant d'éradiquer les frontières procéduriales qui limitaient le territoire d'intervention des juges d'instruction et des officiers de la Police judiciaire dans le cadre de leurs investigations. “Le crime n'a plus de frontières. La justice en conséquence doit s'adapter à cette nouvelle donne”, explique Djamel Zemmour, conseiller à la cour d'Alger. Avec d'autres magistrats, il prend part, depuis hier, à l'Ecole supérieure de la magistrature, à une session de formation animée par des juges de l'Hexagone sur le fonctionnement de leur propre système. En France, existent les Juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) mises en place conformément à la loi Perben II (du nom de l'ancien garde des Sceaux) en 2004. Suivant le découpage administratif, elles sont au nombre de 11. Rendre l'information plus fluide, casser les barrières entre les juges de siège, du parquet et de l'instruction, identifier les bassins de la criminalité… sont quelques-unes des motivations ayant conduit la justice outre-mer à débureaucratiser son mode de fonctionnement. Cette opération est assortie de la mise à la disposition de la Police judiciaire de nouveaux moyens d'enquête comme l'infiltration, la surveillance, les écoutes et l'enregistrement d'images. En Algérie, les officiers de la PG ont obtenu le feu vert aussi pour l'utilisation de ces méthodes. En retour, ils doivent se distinguer par leur efficacité et leur rapidité. “La loi ne fixe pas un délai précis pour l'achèvement d'une enquête. Il doit être raisonnable”, observe M. Zemmour. La quête de l'efficacité requiert que les pôles régionaux soient aussi dirigés par des magistrats spécialisés. Sur le Vieux Continent, la coopération entre “les services” dépasse les frontières d'un seul Etat. Dans le cadre de l'Union européenne, des mécanismes ont été mis en place afin de créer un lien direct entre les juridictions nationales. “Les frontières n'existent plus en Europe. La circulation des capitaux criminels et des groupes maffieux est plus facile”, justifient Claude Choquet et Christophe Barret, respectivement vice-président chargé de l'instruction à la JIRS de Marseille et vice-procureur de la République à la JIRS de Lyon. L'Euro-Just, dispositif d'exécution de mandats d'arrêt dans n'importe quel pays de l'union, illustre la symbiose des juridictions européennes. Cependant, les demandes d'extradition sont toujours otages de considérations politiques. “Les extraditions relèvent de la décision des Etats”, notent les deux magistrats. D'ordinaire, les demandes sont traitées rapidement. “En 15 jours”, assurent-ils. Ce qui n'est pas le cas pour la demande de livraison de Moumen Khelifa, formulée par la justice française en direction des Britanniques. Interpellés par les journalistes sur cette affaire, MM. Choquet et Barret ont esquivé la question, laissant entendre que la décision revient en priorité aux autorités politiques du Royaume-Uni. S. Lokmane