La notion de propreté est étrangère à la guerre, et les horreurs que l'Administration américaine qualifie aujourd'hui de bavures étaient attendues par ceux qui les commettent comme par ceux qui les subissent. Il n'y a que des guerres sales, a-t-on invariablement rétorqué de toutes parts aux Américains qui, bien avant le déferlement des forces coalisées, en 1991, sur le territoire irakien, prétendaient mener une guerre propre. Des frappes chirurgicales, disait-on alors de ces bombardements terrifiants par lesquels avait été entreprise la neutralisation du régime de Saddam. On oubliait allègrement qu'il n'existe aucune chirurgie sans effusion de sang. Et du sang, il y en eut à flot lorsque s'abattirent sur des populations sans défense, agglutinées dans des abris illusoires, les éclats de métal incandescent des missiles mêlés aux fragments de tout ce que le souffle des explosions avait arraché sur son passage. La notion de propreté est étrangère à la guerre et les horreurs que l'Administration américaine qualifie aujourd'hui de bavures étaient attendues par ceux qui les commettent comme par ceux qui les subissent. Le vrai visage de la guerre d'Irak ne peut être dissimulé. Il est celui de ces enfants éventrés par les balles et les bombes ; de ces voyageurs dont le seul tort était de se croire en temps normal alors qu'autour d'eux tout n'est que déflagrations, explosions et fumées épaisses, parmi lesquelles grouillent les uniformes des soldats et les engins de la plus puissante armée du monde ; de ces médecins aux traits tirés et désespérés, souffrant plus que les blessés confiés à leurs soins, de ne pouvoir être d'aucun secours. Moins de deux semaines après le déclenchement des actions armées, les coalisés, Blair en tête, reconnaissent que leur stratégie de “restitution à l'Irak de sa liberté” a lamentablement échouée. Et cet aveu est, en lui-même, terriblement inquiétant car il annonce l'inscription du conflit dans la durée. Il annonce l'exacerbation de la folie meurtrière de ces hommes de troupes qui croyaient en quelques jours en avoir fini avec Bagdad. Il nous revient en mémoire que les Américains avaient dit avoir expédié en Irak, à la veille du déclenchement de “Tempête du désert”, 10 000 cercueils, en prévision des pertes auxquelles ils s'attendaient, dans les rangs des GI's et autres marines. Ils disaient aussi que ces pertes ne seraient que normales en raison de la vocation des militaires à mourir au combat, notant, cependant, que si une seule victime parmi les otages d'alors était signalée, ils ne feraient pas de parti. Parce qu'un civil n'a pas vocation à servir de cible. Ou alors, s'agit-il seulement de civils d'un seul camp ? Aujourd'hui, on s'acharne à dénicher une preuve que les obus qui ont dévasté le marché de Bagdad ne sont pas ceux des alliés. S'il en était ainsi, quelle origine va-t-on attribuer aux balles qui ont transpercé les passagers de l'autobus à Nadjef ? M. A.