Les propos américains sur la guerre en Irak doivent-ils impérativement être portés, sur le compte de la campagne électorale ? Certainement pas puisque les critiques ne viennent pas seulement du camp de l'opposition démocrate que l'on dit bien placée pour rafler la majorité au Sénat et se mettre en bonne position pour la présidentielle de 2009. Elles sont aussi le fait de la majorité républicaine, c'est-à-dire du propre camp du président George W. Bush qui n'a pas hésité, quant à lui, à établir une analogie avec la guerre du Vietnam que les Etats-Unis avaient perdue. Cette fois, tout est dit sur cette guerre en Irak, et plus précisément sur la gestion de ce dossier. Aussi apprend-on cette fois – une confirmation pour nombre d'analystes – que les Etats-Unis ont fait preuve d'« arrogance » et de « stupidité » en Irak. Ce sont là les propos d'un diplomate américain qui ajoute que ceux-ci devraient se montrer plus humbles dans leur stratégie dans ce pays, qui a été marquée par « beaucoup d'erreurs ». De tels propos ont été tenus sur la chaîne satellitaire qatarie Al Jazira. « Nous avons essayé de faire de notre mieux (en Irak), mais je pense qu'il y a lieu à de fortes critiques, parce que – indubitablement – il y a eu de l'arrogance et de la stupidité dans (la stratégie) des Etats-Unis en Irak », a affirmé samedi Alberto Fernandez, un directeur au Bureau des affaires proche-orientales au Département d'Etat. « Nous devrions être plus humbles sur la question de l'Irak. Indubitablement – et comme les Etats-Unis l'ont reconnu – il y a eu beaucoup d'erreurs dans la politique étrangère (américaine) en Irak », a-t-il poursuivi. Depuis Moscou, le porte-parole du Département d'Etat Sean McCormack a réagi aux propos de M. Fernandez en affirmant que « la déclaration, telle qu'elle a été rapportée, n'est pas exacte ». Et à propos de tout ce qui s'écrit aux Etats-Unis ? Une série de livres publiés ces derniers mois critiquent vivement la gestion de la guerre en Irak par l'administration Bush, taxée de mauvais choix à répétition et d'aveuglement. La dernière charge éditoriale est venue du journaliste du Washington Post Bob Woodward avec son livre State of Denial (Etat de déni) qui est venu s'ajouter à d'autres ouvrages accusateurs écrits par des journalistes, mais aussi des diplomates et des universitaires. Parmi les livres critiques ayant le plus de succès, Fiasco de Thomas Ricks, publié en juillet, qui accuse M. Bush de n'avoir pas eu de plan pour l'Irak au-delà de l'invasion en 2003 et du renversement de Saddam Hussein, une approche qu'il apparente à de la « cécité ». Hubris, publié en septembre par les journalistes Michael Isikoff et David Corn, s'attaque aux « coups bas, aux inepties administratives, au journalisme dévoyé et surtout à l'arrogance » de l'administration Bush. L'ancien diplomate Peter Galbraith a lui aussi usé de sa plume pour attaquer le pouvoir en place à Washington dans son livre La fin de l'Irak : comment l'incompétence américaine a créé une guerre sans fin, dans lequel il parle de « mauvais choix » et « d'aveuglement ». Pour Mark Crispin Miller, professeur de communication à New York University, la prolifération de livres sur l'Irak serait une réaction à l'échec des grands médias pour rendre compte de la guerre. Le public du coup se tournerait vers d'autres modes d'information dont les livres, les documentaires indépendants et l'internet. « La presse a cessé depuis longtemps de remplir son rôle constitutionnel de réellement informer le public », estime M. Miller. « Mais la vérité doit sortir d'une manière ou d'une autre, et nous la trouvons donc sur des blogs, dans des livres et des documentaires », poursuit-il. Même si ces médias n'ont pas la même influence sur l'opinion publique que les grandes chaînes de télévision, ils peuvent néanmoins jouer un rôle. « Cela va doucement (...) Cela a un effet (...) ces travaux confirment les suspicions que les gens ont », dit-il. Professeur de sciences politiques au Wellesley College du Massachusetts (nord-est), William Joseph pointe lui les avancées technologiques qui permettent aujourd'hui de publier des livres beaucoup plus rapidement. Mais surtout, explique l'universitaire, ce phénomène d'édition est une réaction à l'ampleur relativement modeste du mouvement antiguerre aux Etats-Unis. « Une littérature antiguerre ne créé pas un mouvement antiguerre », relativise-t-il. « C'est terriblement calme pour un pays en guerre et il est peu probable que la prolifération de livres change cela », estime-t-il. Voilà donc un autre sujet de discussion et qui devrait amener certainement la presse à revoir ses rapports avec le pouvoir, surtout quand la guerre est traitée ou plutôt vue d'un seul côté. Les fameux embedded embarqués dans les véhicules de l'armée américaine. Il reste que de ce point de vue aussi, la bataille fait rage, car il ne s'agit plus simplement de dire, mais aussi d'expliquer.