Les développements meurtriers connus par la situation en Irak amènent une majorité d'Américains à douter du bien-fondé de la politique proche-orientale de l'Administration Bush. Pour beaucoup, la multiplication des attaques antiaméricaines et l'alourdissement quotidien du bilan des morts et blessés de l'armée américaine sont des arguments plaidant en faveur du retrait d'Irak de l'armée américaine. La mobilisation des familles des soldats américains morts en Irak a, en ce sens, contribué de manière significative à sensibiliser l'opinion à « la réalité » du dossier irakien. De grands titres de la presse américaine, tels le Chicago Tribune ou le Washington Post, se montrent ainsi sceptiques quant à la capacité de la Maison- Blanche et du Pentagone à renverser la vapeur sur le terrain des opérations. Cela d'autant que les unités montrent des signes d'enlisement et que le moral des troupes commence à être sérieusement éprouvé par l'intensité de la guerre. De jeunes militaires en permission, rencontrés à l'aéroport de Dallas (état du Texas), disent être « isolés » et privés des « loisirs les plus élémentaires ». Ils avouent en outre avoir été « déçus » par leur expérience dans l'armée. Si certains ont indiqué être partis en Irak pour « défendre l'Amérique en danger », d'autres ont révélé ne plus comprendre l'objectif assigné à la présence américaine dans ce pays. Ces journaux, auxquels pourrait s'ajouter le New York Times, misent « franchement » sur un retrait des forces américaines et prédisent des jours sombres pour les Irakiens. Les spécialistes en charge du dossier irakien de ces journaux estiment qu'un désengagement, même partiel, des Etats-Unis ouvrirait en effet la porte à une guerre civile - qui opposerait chiites, Kurdes et sunnites - pouvant déboucher sur l'éclatement de l'Irak. Pour étayer leur thèse, les journalistes de ces quotidiens soulignent la détermination de la « résistance irakienne », la difficulté des chiites, Kurdes et sunnites à trouver un compromis concernant l'avenir politique de l'Irak et l'incapacité de l'armée américaine à restaurer la sécurité. Contrairement aux premiers mois qui ont suivi l'invasion de l'Irak, nombreux sont aujourd'hui les journalistes soutenant l'idée que la seconde guerre du Golfe a été une « erreur ». Ceux-ci n'hésitent d'ailleurs plus à « plaider coupable » pour le fait d'avoir pris pour argent comptant « l'argument des armes de destruction massive » dont s'est servi l'Administration Bush pour engager l'Amérique dans la guerre. Les analyses des médias américains sont partagées par des enseignants universitaires. C'est le cas d'un professeur de l'Institut du Moyen-Orient de l'Université du Texas, Clement M. Henry, qui estime que la seconde campagne menée par les Etats-Unis en Irak devient « trop coûteuse » pour les Américains, en référence au nombre important de soldats tués depuis la prise de Baghdad. Pour cet universitaire, la responsabilité de la démocratisation de la région du Proche-Orient ne doit plus être à la seule charge des Etats-Unis. La presse, les universitaires et le camp des démocrates ne sont pas les seuls à stigmatiser la politique de l'Administration Bush. Depuis le drame causé par l'ouragan Katrina, des voix ont émané des rangs du parti républicain des milieux conservateurs pour critiquer les « faiblesses » de la gestion de George W. Bush. Celles-ci sont toutefois caractérisées par la modération. Au lieu d'observer des attitudes frontales, les républicains semblent privilégier, pour le moment, l'envoi de signaux d'avertissement destinés à faire comprendre au président Bush qu'il ne va pas dans la bonne direction. C'est ce que semble faire les responsables d'un centre de recherches de Chicago, connus pour avoir été les inspirateurs des lois « patriot act I » et « patriot act II », qui soutiennent le fait que la guerre contre l'Irak pèche par son « manque » de préparation. La réprobation générale suscitée par la gestion de la catastrophe causée par l'ouragan Katrina a déjà amené, mardi, George Bush à reconnaître sa part de responsabilité dans la lenteur des secours portés aux victimes. Si la mobilisation persistait, la guerre en Irak pourrait bien conduire le président Bush à reculer une nouvelle fois.