Pour les annabis, tout indique que le scénario de 2002 ne risque pas de se répéter et que les sièges de l'assemblée seront occupés par de nouveaux locataires. Même si les annabis ne se sentent nullement concernés par les prochaines élections législatives, la plupart avouent qu'ils sont tous curieux de connaître les résultats qui en découleront. Une curiosité qui qui a été aiguisée par l'entrée sur la scène politique locale de plusieurs nouvelles têtes et dont la représentation est sujette à plusieurs spéculations. Même si les pronostics vont bon train sur de futurs changements de la carte politique par rapport aux dernières élections législatives, beaucoup pensent que ce ne sera pas d'une grande envergure. En 2002, le FLN avait raflé la mise en gagnant quatre sièges, laissant à El Islah deux sièges et au PT un seul. Cette fois, tout indique que le scénario ne risque pas de se répéter. Les données ont totalement changé. À voir les partis en lice en plus des listes indépendantes, les spéculations vont bon train sur les potentialités de tel ou tel de gagner les sept sièges en jeu. Grosso modo, tout indique que ça se jouera entre le FLN, El Islah, les ex. de El Islah, le RND, le MSP, enfin la liste indépendante menée par l'un des personnages clés de Annaba, en l'occurrence Menadi, le secrétaire général du syndicat du complexe sidérurgique d'El Hadjar et aussi président de l'USMAn. Il y a d'abord les noms des candidats que les différents partis ont choisis et sur lesquels l'unanimité est loin d'être acquise, à l'image du FLN. C'est surtout le choix de la tête de liste qui a ébranlé la maison du parti. M. Benali (65 ans, avocat) n'a nullement suscité l'unanimité chez les militants qui le considèrent comme un inconnu. D'ailleurs, beaucoup de militants que nous avons rencontrés se sont montrés outrés et n'ont pas hésité à menacer de voter pour un autre candidat ou “de mettre une carte blanche”, comme nous l'a affirmé l'un d'eux. Mobilisation au forceps Du côté El Islah, c'est le flou total. Avec les derniers remous que le parti a vécus, ce qui a donné naissance à deux groupes, les pro et les anti-Djaballah, beaucoup d'observateurs doutent que les résultats obtenus en 2002 se renouvellent. En effet, lors des dernières législatives, El Islah avaient obtenu deux sièges. En rangs dispersés, le parti s'est engagé dans ces élections. Une liste sous le label El Islah avec comme tête de liste le député Yousfi. Les pro-Djaballah ont créé de leur côté “le mouvement pour la nature et le développement” avec comme tête de liste l'autre député, Bouchareb. Une situation qui a désorienté les partisans du parti. Avec les dissensions de El Islah, c'est l'autre parti islamiste, le MSP, qui compte engranger les dividendes. Estimant que ces élections sont une occasion à ne pas rater, les militants misent beaucoup sur ces joutes pour entrer à l'APN surtout que lors des dernières élections le parti n'avait gagné aucun siège. Pour cela, les structures du MSP ont misé sur la jeunesse en mettant à la tête de la liste un jeune de 38 ans que beaucoup estiment à Annaba. Concernant le PT, ces élections seront surtout l'occasion pour confirmer que le parti a un véritable ancrage dans la région d'où d'ailleurs est originaire Louisa Hanoune. Ayant déjà eu un siège en 2002, les trotskystes veulent démontrer que l'acquis précédent peut être préservé et même amélioré. Pour cela, le PT mise encore une fois sur le député Kamel Djaâfer. Par ailleurs, l'alliance républicaine conduite par l'ANR et l'UDR a concocté une liste dans laquelle on retrouve ses militants en plus de ceux du Front démocratique (non reconnu) de l'ex-premier ministre Sid Ahmed Ghozali. Le MDS de Hocine Ali a aussi choisi d'y participer avec comme tête de liste l'expert comptable, M. Boukhari. Le RND de son côté y va en rangs dispersés. N'ayant gagné aucun siège lors des élections de 2002, les partisans du RND se disent prêts à rebondir et à damner le pion aux pro-FLN. Même si ce n'est pas dans les mêmes proportions que son “frère”, le FLN, le parti d'Ouyahia a subi plusieurs secousses avant de déterminer la liste finale. Après moult tergiversations, le choix a été fait sur le numéro 1 de l'UGTA local, M. Hmarnia, secondé par M. Fellah, un homme connu essentiellement pour ses activités dans le commerce des déchets ferreux. Une décision (venue d'“Alger”) qui a été loin de faire l'unanimité et qui a engendré la scission d'un certain Menadi qui était initialement mis à la troisième place. Candidat très médiatisé depuis quelques années, il a pu s'imposer à Annaba au nez et à la barbe de ses détracteurs qui sont pourtant nombreux. Secrétaire général du syndicat du complexe sidérurgique d'El Hadjar (Arcelor-Mittal Annaba), président de l'USMAn, président d'honneur de l'UMS Dréan (sociétaire de la DII), élu à l'APC de Sidi Amar, à tous ces titres il ambitionne d'en ajouter un autre, celui de député. Une mission pour laquelle il aurait de grandes de chances de réussir. Beaucoup le présentent comme l'un des sérieux vainqueurs potentiels du 17 mai. Son parcours dans le monde du football est, selon eux, son meilleur atout. Les inconditionnels supporters de l'USMAn lui reconnaissent surtout d'avoir honoré son engagement de l'été dernier dès son installation en tant que président lorsqu'il avait promis de faire revenir le club en Dl. À cela, il faut ajouter son statut d'“homme fort” à Arcelor-Mittal. Son influence est tel (et aussi invraisemblable que ça puisse être) qu'il a pu s'imposer devant une certaine presse comme le représentant des travailleurs et… de la direction indienne du complexe sidérurgique, qui est, rappelons-le, leader mondial du secteur. Une seule femme candidate Pour tous les partis et listes d'indépendants en course pour ses élections, il n'y a qu'une seule femme en tête de liste. C'est la représentante du RCD. Pour les partis de la coalition gouvernementale, les femmes ne sont pas absentes mais pas nombreuses non plus. Si le FLN a choisi 3 femmes sur les 10 (dont 2 en tant que suppléantes), le RND et le MSP n'ont qu'une seule sur leur liste. Au sein de l'alliance républicaine et le PT, on enregistre la même chose, soit une seule femme parmi les 10. Par ailleurs, l'un des points qu'on a retenus lors de nombreux contacts avec l'administration de la wilaya, des partis et des listes d'indépendants, est le brouhaha qui a entouré le dépôt des listes de candidats. Cependant, plusieurs jours après le dépôt des listes, nul ne nous a donné des informations précises. Du côté de la wilaya, on nous a fait ballotter entre plusieurs services pour nous répéter, enfin, la fameuse phrase que beaucoup de citoyens connaissent : “Revenez la prochaine fois.” Pour les partis, la situation paraissait encore plus cacophonique. Malgré nos nombreux déplacements aux sièges du FLN et du RND pour avoir la fameuse liste, on nous rétorquait à chaque fois : “désolé, le responsable est absent et c'est le seul qui peut vous donner plus de détails !” Quelques jours avant le début de la campagne électorale, certains partis ne donnaient nullement l'impression d'être concernés par l'événement, dont le FLN et le RND. Se trouvant pourtant sur l'artère principale de la ville, du côté du cours de la révolution, à chaque fois que nous passions, nous remarquions le calme et la présence de très peu de personnes sur place. Ces dernières ne pouvaient même pas nous informer sur les activités ou le programme que les deux partis ont préparé pour les élections. Une semaine après le début de la campagne électorale, l'affluence n'est pas plus importante, du moins au niveau des aspirations des responsables locaux des partis, mais les électeurs commencent tout de même à participer aux rencontres partisanes en vue de savoir un peu plus sur les programmes ainsi que les objectifs des députés une fois élus à l'assemblée populaire nationale. Au niveau des partis islamistes, c'est l'effervescence. Ayant leurs sièges dans les quartiers populaires, ils semblent plus impliqués que les autres partis dans la ville. Ainsi, au siège du MSP, les militants couraient dans tous les sens. Ventre affamé n'a pas d'oreilles Du côté de la population, dire que c'est l'indifférence serait un mot bien faible. L'ambiance est loin d'être à la réjouissance. Les étudiants parlent plus de leurs examens ou du concert de Gnawa Diffusion, les chômeurs de leurs prochaines tentatives d'immigration clandestine et les responsables de famille des solutions qu'il faut pour subvenir aux besoins de leur famille. Le ras-le-bol est général et même les personnes considérées comme “aisées” ne cachent pas leur amertume. Les élections semblent en tout cas le dernier des soucis de la population pour qui Annaba n'a rien à voir avec “la coquette” ou encore “pôle économique du pays”. Les cinq dernières années ont été loin d'être satisfaisantes, ni pour la population ni pour ceux qui se considèrent comme militants. Il faut dire que la ville n'a rien à voir avec son statut de ville économique. Avec 16% (chiffre officiel) d'inactifs parmi la population, beaucoup avouent que Annaba a perdu son image d'antan, et l'ampleur que prend le phénomène des harraga en est la meilleure preuve. S. K.