A Annaba, les partis politiques n'attirent plus grand monde. Lassés, les 370 017 citoyens inscrits ne s'y intéressent plus. Ils affichent une réelle indifférence même en tant que simples curieux et prêtent l'oreille aux discussions sur les candidats aux élections locales prévues le 29 novembre. Bon nombre d'entre eux estime qu'en s'adonnant au jeu de la marionnette, les cadres et militants des partis politiques ont perdu le peu de crédibilité qui leur restait. D'ailleurs, plusieurs d'entre eux sont poursuivis en justice pour un délit ou un autre. « Ni les candidats à l'assemblée de wilaya et encore moins les autres candidats ne sont crédibles. Ils ne sont obnubilés que par le pouvoir. La plupart des partis politiques ont perdu leurs militants, leurs électeurs et sympathisants au gré des humeurs et du scepticisme de plus en plus affiché par les citoyens face à leurs programmes respectifs », a indiqué Bouzidi Nabil, un jeune diplômé au chômage depuis des années. A ses côtés, Loubza I., sa copine de niveau universitaire qui active dans une entreprise privée au titre du dispositif du préemploi (CPE), a affirmé : « Ce début de campagne électorale est morose. L'absence d'animation électorale démontre, on ne peut mieux, que les candidats eux-mêmes ne croient pas aux déclarations et autres promesses. Je vous confirme que le citoyen algérien en général, et annabi en particulier, est las de voir toujours les mêmes têtes au pouvoir. Mais quand vont-ils se décider à céder la place aux jeunes et jouir de leur retraite ? La majorité d'entre eux n'a rien à offrir si ce n'est une carte d'ancien moudjahid ou fils de chahid. Ils ont eu à gérer les affaires de la wilaya depuis l'indépendance sans rien apporter, si ce n'est plus de chômage, de crise de logement et de pauvreté. » Ces deux témoignages, parmi tant d'autres, ne sont qu'un échantillon du sentiment qu'éprouve la majorité de nos interlocuteurs à se défaire de ces hommes représentant les décombres du passé. Des promesses vaines En matière de meeting, Annaba n'en a vu qu'un seul depuis le début de la campagne électorale et d'envergure locale de surcroît. Interrogés, plusieurs candidats de différentes tendances politiques ont estimé que chaque parti dispose d'un programme pour résoudre les problèmes et prendre en charge les attentes sociales de plus en plus nombreuses. Mais le citoyen lambda ne croit plus aux promesses vaines et sans lendemain. Le taux d'abstention enregistré lors des dernières législatives est un signe qui ne trompe pas. « La plupart des partis politiques ne sont rien d'autre qu'un simple appareil logistique vide de tout contenu, véritablement amovible et actionné pour les besoins des différentes consultations populaires. Dans leurs déclarations, les leaders des partis cherchent à dissimuler leur impuissance à formuler quelque proposition originale sur les défis majeurs posés à la société annabie. Ils n'offrent pas d'alternative à la situation socio-économique qualifiée par eux-mêmes de catastrophique. Ils ne sont pas en mesure de proposer une démarche cohérente et porteuse pour baliser le terrain, et par-là même repêcher le citoyen des méandres de la misère dans un pays qui recèle de grandes richesses et enregistre aujourd'hui une embellie financière jamais connue », dira S. Bensbaïa, un sociologue mécontent de la situation que vit sa ville natale. Conscients ou non, les candidats des 83 listes issus de 9 partis, dont 75 ciblent les 12 Assemblées populaires communales (APC) et les 8 autres l'Assemblée populaire de wilaya (APW) espèrent toujours séduire l'électorat qui reste la grande inconnue. Quant aux candidats des 13 listes indépendantes, ils ont ciblé seulement les Assemblées populaires communales. Il s'agit de Seraïdi, Chetaïbi, Oued Aneb, El Eulma, Chorfa, Berrahal et Tréat où les problèmes socio-économiques se posent avec une acuité particulière. Voilà déjà plus d'une semaine que la campagne officielle a été lancée et les 26 salles et les 4 stades retenus par l'administration pour abriter les rassemblements sont restés vides, au grand désappointement de quelques citoyens. Même les 187 sites réservés, par ailleurs, à l'affichage des listes n'ont pas été utilisés dans leur majorité par les concernés eux-mêmes. Ce qui explique en quelque sorte le manque d'intérêt accordé par les postulants aux élections locales dont l'issue risque de provoquer une onde de choc qui aura des conséquences majeures sur l'avenir des partis. L'onde de choc Les 9 partis en lice ont-ils des programmes électoraux consistants pour convaincre et conquérir la confiance du citoyen endurci par les promesses vaines des derniers élus qui, hier, en hommes ayant eu le pouvoir en main, n'ont rien apporté à la wilaya si ce n'est plus d'indifférence, d'injustice, de hogra et de passe-droits ? Pour quels thèmes vont-ils opter pour sensibiliser un électorat indifférent, las et déçu de la maigre prestation fournie par « ces représentants » sortants ? Des interrogations que d'aucuns à Annaba soulèvent au moment où les attentes sociales sont multiples dans la wilaya. Une région frappée de plein fouet par le plan d'ajustement structurel, cher à M. Ouyahia, à l'origine de la dissolution d'entreprises publiques locales. L'absence d'investissements conséquents susceptibles de créer des richesses et plus d'emplois au profit des chômeurs, notamment ceux des communes rurales sans ressources, a accentué la récession économique dans cette région. Une réalité amère qui a amené les partis à adopter le discours social comme cheval de bataille de la campagne électorale dans le but de ratisser large le jour J. Les préoccupations sont nombreuses à Annaba. Les conditions de vie du citoyen sont lamentables. Elles se résument en quelques mots : chômage, crise de logement, AEP, environnement, santé et transport. Des attentes qui continueront à se dresser avec acuité tant que les pouvoirs publics et les élus ne seront pas en possession d'une vision futuriste pour la promotion du citoyen et du développement. Le taux de chômage dans la plupart des communes de la wilaya avoisine les 80%, comme c'est le cas précisément à Aïn Berda, El Eulma, Chetaïbi, Oued Aneb et Chorfa. « Nous regrettons le rôle négatif qu'adoptent les communes de la wilaya, notamment en matière des projets de Blanche Algérie. Elles n'ont pas, jusqu'à ce jour, régler leur apport financier de 10% de l'enveloppe des projets qui sont financés par l'Agence de développement social (ADS). Il s'agit des communes de Annaba, El Bouni, Chetaïbi et Seraïdi. Bien que la wilaya ait bénéficié de 43 projets du dispositif Blanche Algérie dont l'enveloppe financière est estimée à 7 milliards de centimes, les communes n'ont pas jugé utile de suivre. Elles représentent un véritable facteur de blocage devant la volonté commune de l'absorption du chômage », relèvera Mounir Slim, secrétaire général de l'Union des associations de quartiers de la wilaya de Annaba. Le logement est un autre problème qui n'est pas des moindres. Quelque 20 000 baraques jonchent le territoire de la wilaya. Le programme relatif à l'habitat rural, quoique consistant, reste en deçà de la demande. Il accuse un important retard du fait que la plupart de ses bénéficiaires, démunis socialement, n'ont pas les moyens de verser leur contribution financière estimée à 50 000 DA pour la construction des logements promis. Même la promesse du ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme, Noureddine Moussa, lors de sa dernière visite de travail et d'inspection dans la wilaya, de prendre des mesures pour donner une nouvelle dynamique aux projets en cours dans ce domaine, est restée vaine. Les 12 communes de la wilaya enregistrent toujours des insuffisances en matière de gestion des déchets domestiques, d'assainissement, d'eau, de routes, d'établissements éducatifs et d'amélioration urbaine. Une situation qui profite aux partisans du boycott, tels les fidèles de Abdallah Djaballah qui ont affirmé, à ce propos, sans remords politique en se justifiant ainsi : « Nous avons décidé de boycotter les élections locales. Une décision qui se veut une résistance à la hogra et un refus à la politique de discrimination. » Un problème de crédibilité Bien qu'ils n'ont pas, jusqu'à présent, d'ancrage dans la société, le FLN, le RND, le MSP, Ennahda allié d'El Islah de Boulahya, le PT, le FNA et le FFS qui ont décidé de participer à ce rendez-vous électoral, affichent quand même un certain optimisme quant à leurs chances d'accéder aux futures Assemblées populaires communales et de wilaya. Ce vœu sera-t-il exaucé le 29 novembre ? Attendons pour voir. Le MSP, qui ne dispose d'aucun siège aux APC et APW dans la wilaya de Annaba, ne désespère pas d'être représenté, cette fois. Selon Boussaba Abdelaziz, 48 ans, cadre gestionnaire et tête de liste à l'APC d'El Hadjar, « à El Hadjar, il y a un problème de crédibilité. Les citoyens ne croient plus en leurs élus. En effet, notre mairie a été gérée successivement par plusieurs formations politiques, dont le FLN, le RND, Ennahda… sans qu'on ait enregistré un quelconque épanouissement de sa population. Aujourd'hui, on doit saisir cette chance pour montrer notre savoir-faire en matière de gestion, d'autant que nous sommes les fils de la région. Nous avons établi un programme qui vise à améliorer le quotidien de nos concitoyens, et ce, en étroite collaboration avec les associations de quartiers ». Le FFS, pour sa part, n'a pas tiré à blanc sur cet événement, comme il a l'habitude de le faire. Il a présenté, mieux que le RCD, le grand absent dans ces joutes électorales, deux listes : l'une pour l'APW et l'autre pour la commune de Berrahal. Ce jeudi, le parti de Hocine Aït Ahmed a animé à Berrahal un meeting populaire où son premier candidat à l'APC, un transfuge du RND, a tiré à boulets rouges sur la gestion des communes. En tentant de séduire l'assistance, il a préconisé la création d'un conseil consultatif communal en collaboration avec l'Agence nationale de l'emploi (ANEM) pour relancer la création d'emplois. Le RND n'est pas en reste. Dans son programme local, il prône 10 changements à l'effet de raviver l'espoir des citoyens. Terni par des élus n'ayant rien apporté à la wilaya, le RND a puisé dans un nouveau vivier. « Nos candidats ont été choisis sur la base des critères d'intégrité, de disponibilité pour l'intérêt général mais aussi de compétence. Nous avons procédé à une large consultation locale et présenté de nouveaux candidats qui n'étaient pas encore militants mais que la population a elle-même choisis. » Quant au FLN, contesté par sa base, il tente comme toujours de s'imposer et de charmer l'électorat, en utilisant son expérience, ses relais et l'influence de ses anciens militants. Soutenu d'en haut, il reste inébranlable devant les combats des « redresseurs des redresseurs » pour « déloger » la direction de la mouhafadha. Excepté les têtes de liste, plusieurs cadres du vieux parti affichent un réel scepticisme quant aux chances de certains candidats qui n'ont pas la trempe requise pour ces élections. D'où la crainte d'une abstention ou d'une faible participation le jour des élections. Le contraire dépendra des capacités de sensibilisation et de mobilisation des candidats à ces joutes électorales et dont les chances ne prêtent pas à l'optimisme.