Le plus grand succès de Saddam Hussein est d'avoir déjà réussi à imposer l'image de la «bataille de Bagdad», qui s'annonce très dure. Les Américains évitent désormais d'évoquer un avenir radieux pour l'Irak, rejaillissant sur tout le Moyen-Orient vivant en paix aux côtés d'Israël. Les appels au djihad se sont multipliés dans les pays musulmans en ce deuxième vendredi depuis le début de la guerre en Irak. Au Liban, au Pakistan, en Palestine, au Maroc et en Egypte, des imams ont appelé du haut de leur perchoir à combattre les forces anglo-américaines. Contrairement aux attentes, l'opération «Liberté pour l'Irak» est en train de se transformer en guerre d'occupation et au massacre de civils. Bagdad a de nouveau été touché par deux missiles, hier en fin de matinée, au lendemain de la pire nuit de bombardements depuis le déclenchement de la guerre, le 20 mars. Au moins 8 civils ont été tués et 33 autres blessés à Bagdad, selon les autorités irakiennes. La division Medina de la Garde républicaine, corps d'élite de l'armée irakienne, tiendrait les alentours de Kerbala. La résistance irakienne a réussi à détruire 33 chars, véhicules blindés et véhicules de transport, a indiqué le ministre irakien de l'Information, Mohammed Saïd al-Sahhaf. Selon lui, 346 Irakiens ont été tués et 1495 blessés dans deux provinces du sud de l'Irak, depuis le début de la guerre. Le dernier bilan officiel du côté de la coalition est de 28 soldats américains et 18 britanniques tués. Les Américains finiront par gagner la guerre et éliminer le régime de Saddam Hussein, mais leur victoire risque de leur faire perdre la paix, estiment des experts, de durcir la capacité de résistance du régime et de radicaliser l'opinion arabe en exacerbant encore plus son anti-américanisme. Ajoutée la résistance passive d'une population irakienne qui ne s'est pas révoltée contre le pouvoir, l'image d'une armée d'occupation pourrait encore gagner du terrain dans les prochains jours et façonner l'après-guerre. D'autant plus que l'opposition en exil paraît hors jeu. «Le plus grand succès de Saddam Hussein est d'avoir déjà réussi à imposer l'image de la bataille de Bagdad», qui s'annonce très dure. Sur le front Nord, les troupes américaines consolident leurs positions, dans la région d'Erbil où un millier de soldats a «sauté» sur la piste d'atterrissage de Harir, proche de la ville. Hier matin, des combattants de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) ont assuré avoir fait mouvement vers Kirkouk, ville stratégique dans une zone riche en pétrole, d'où ils ne seraient plus qu'à 20 km. Huit jours seulement après les premiers bombardements, la coalition semble avoir du mal à garder sa sérénité. L'arrivée d'un renfort de 12.000 hommes renseigne sur l'échec de la stratégie américano-britannique. Une partie de la presse américaine se montre de plus en plus critique sur la stratégie militaire des alliés et l'évolution du conflit, en donnant la parole à des officiers de haut rang. L'Administration américaine s'efforce de désamorcer ces critiques en soulignant que, jusqu'à présent, aucun officiel n'avait prédit une guerre courte. Le conflit risque de durer dans le temps. La percée des forces américaines et britanniques jusqu'à Badgad à partir du Koweït, au détriment d'une prise systématique des villes irakiennes, présente un défi logistique à haut risque pour les troupes dont le ravitaillement dépend de 450 km de routes et pistes traversant de vastes zones encore sous contrôle irakien. Douze membres de la 507e compagnie d'entretien se sont égarés dimanche alors qu'ils fonçaient vers le nord pour ravitailler les forces approchant Badgad, une perte qui en dit long sur le danger de lignes de communications non sécurisées. A ce jour, près de 400.000 tonnes d'équipements et ravitaillement ont été transportées par air et par mer pour l'opération «Liberté de l'Irak» et près de 170.000 personnes transportées par voie aérienne, selon le commandement américain des transports. La taille de ce pont aérien arrive actuellement en troisième position derrière celui organisé vers Berlin en 1948-49 et le déploiement de la première guerre du Golfe en 1990 et 1991.