La liberté de la presse a été au centre d'un débat tenu hier à l'ambassade des Etats-Unis à Alger, à la faveur d'une visioconférence animée par Eduardo Cue correspondant du US News &World Report. Organisée conjointement avec les Africa Régional Services de l'ambassade américaine à Paris, la rencontre s'inscrit dans le cadre de la célébration de la Journée internationale de la liberté de la presse et fait suite à une série de conférences tenues dans différents pays africains, notamment à Johannesburg et Abidjan. Dans un contexte international limité par l'impératif de la sécurité nationale, Eduardo Cue s'interrogera, d'emblée, sur les limites de cette sécurité ainsi que celle de la liberté de la presse. “Pour déterminer l'importance de cette liberté, il suffit de se rappeler les déclarations d'Abraham Lincoln qui en pleine guerre d'indépendance disait : “Informez le public et le pays sera en sécurité.” “Les seules limites, qui devraient freiner cette liberté, devraient être les appels au génocide, à la haine raciale ou l'atteinte à la vie des soldats”, souligne le conférencier. Même s'il n'existe pas de pays modèles où la liberté de la presse est garantie à 100%, le droit de l'information doit “être équitable”. Eduardo Cue établira un véritable réquisitoire quant au rôle de la presse américaine au lendemain des attentats du 11 septembre. “Ce que je reproche aux journalistes américains c'est qu'au lieu de se poser les vraies questions, ils ont marché comme un soldat. Les médias ont été menés en bateau, ils n'ont pas douter et n'ont pas enquêter comme ils l'ont fait pendant la guerre du Vietnam ou l'affaire de Watergate. Ils n'ont pas donné de l'importance aux rapports sur le nucléaire irakien”. Le conférencier soutiendra le tout-sécuritaire, prôné par certains gouvernements, quelle que soit la raison notamment la lutte antiterroriste. Il exhortera les journalistes à déployer davantage d'efforts afin de préserver leur liberté, menacée aussi bien par les intérêts politiques et économiques. “Seuls le marché et la déontologie peuvent protéger la presse de la corruption et toute autre forme de pression”. Pour le cas Algérie, M. Cue affirmera ne pas avoir une idée précise de la situation de la presse. “Tout ce que je sais, c'est que le gouvernement et les pouvoirs en place ont beaucoup fait pour museler la presse”. Il évoquera notamment l'article 144 du code pénal. Intervenant dans ce cadre, les représentants du ministère de la Justice souligneront que 95% des poursuites judiciaires contre les journalistes relèvent du domaine du privé et non institutionnel, chose que démentira Khaled Bourayou, avocat de plusieurs journaux algériens. “80 plaintes pour atteinte au président de la République ont été déposées entre 2004 et 2006 par le ministère public. Le délit de presse en Algérie est un délit politique”, affirmera Me Bourayou. À souligner que cette vidéoconférence est la première d'une série que compte lancer l'ambassade des Etats-Unis autour de différents thèmes politiques, économiques, culturels, et qui se veut un forum ouvert à un débat pluriel. Wahiba Labreche