«La révolution n'a pas combattu les intellectuels», tranche M. Abderrezak Bouhara, ancien ministre, sénateur et vice-président du Conseil de la nation, en sa qualité d'officier de l'ALN, pour répondre aux rumeurs lancées par le colonisateur qui tentait de discréditer le mouvement de libération. «Les Français faisaient circuler l'idée que l'ALN égorgeait les intellectuels dans les maquis. Cela a, d'ailleurs, conforté certains compatriotes qui ont refusé de rejoindre l'armée de libération», dénonce-t-il. «Bien au contraire, les étudiants et intellectuels qui ont rejoint le mouvement de libération étaient désignés aux commandes des troupes. Et nous ne faisions pas de distinction entre les arabisants et les francophones», soutient l'invité du forum d'El Moudjahid tenu hier, à la veille de la célébration du 52e anniversaire de la grève des étudiants et lycéens du 19 mai 1956. «La plus grande école de formation est l'ALN. Elle a produit des pilotes, des techniciens dans la transmission, des navigateurs et des politiciens chevronnés», poursuit-il. Pour étayer ses propos, l'intervenant raconte sa rencontre avec Claude Chayet, ancien ambassadeur français au Vietnam et l'un des participants aux accords d'Evian, au lendemain des négociations. Le diplomate français s'est dit surpris par l'éloquence et la maturité des Bentobal, Krim Belkacem et Saad Dahleb. Pour mettre en valeur l'éloquence et l'esprit nationaliste, l'orateur raconte l'histoire de feu Boukadoum, un moudjahid emprisonné à la maison d'arrêt de Bossuet. Sous un soleil de plomb, dans la cour de la maison d'arrêt, ce dernier s'abrite à l'ombre du mat du fanion français. Un officier français, le connaissant comme étant un révolutionnaire et un fervent opposant de la France, lui lança : «Finalement, tu as fini par te ranger sous le drapeau français.» Le moudjahid répondit : «Il fut un temps où ce drapeau couvrait des continents. Aujourd'hui, c'est à peine s'il arrive à couvrir ma petite personne.» Revenant sur la grève des étudiants et lycéens, l'ancien élève du lycée d'Aumale (Constantine) où il arrêta ses études en classe terminale, explique les circonstances qui ont abouti à l'événement. «En 1955, les étudiants et lycéens de l'époque avaient la vingtaine. Ils ont assisté aux événements du 8 mai 1945. Ils ont connu les années de crise durant la Deuxième Guerre mondiale et surtout assisté à la naissance des différents mouvements nationalistes qui ont émergé de par le monde et aussi en Algérie.» De là, selon M. Bouhara, un travail d'organisation a commencé. A Constantine, le mouvement nationaliste a fait un travail organisationnel dans les lycées et l'université, ce qui a conduit à la naissance de «l'essor estudiantin», une organisation qui n'a pas duré longtemps mais qui a toutefois réussi à organiser et cadrer les intellectuels d'alors pour les sensibiliser à la lutte armée. Une véritable préparation dans les établissements scolaires s'est engagée. Ce travail a fini par attirer la frange intellectuelle de la société et lui faire embrasser l'idée de la révolution. Beaucoup de lycéens et étudiants qui ont observé la grève du 19 mai 1956 ont rejoint les rangs de l'ALN par la suite. Sans compter ceux qui étaient déjà au maquis avant le mouvement. «Ce mouvement a donné un nouvel élan à la résistance», poursuit M. Bouhara. S. A.