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Redha Malek : “Il faudrait réformer l'Etat”
Le président de l'Anr dans un entretien à liberté
Publié dans Liberté le 16 - 05 - 2007

Le président de l'Alliance nationale républicaine (ANR), Rédha Malek, fait le point sur la campagne électorale et développe les perspectives du pôle républicain.
Liberté : La campagne électorale a été pour vous l'occasion de visiter plusieurs régions du pays. Quel écho vous a renvoyé cette Algérie à travers les endroits où vous avez animé des meetings ?
Rédha Malek : Les tournées que j'ai effectuées m'ont permis de m'arrêter dans des villages et hameaux souvent oubliés. J'ai pu ainsi faire un double constat. Le premier, c'est le sentiment général qu'ont les populations d'être marginalisées. Laminées par un chômage implacable, et par les maux antisociaux qui s'ensuivent, elles se plaignent de l'absence d'interlocuteurs à qui confier leurs doléances ; peu d'entreprises nouvelles, alors que les anciennes ont, à quelques exceptions près, disparu. Il n'en reste que des hangars vides. C'est ce que j'ai constaté de visu dans les alentours de Saïda ou à Aïn Deheb, entre Tiaret et Mascara. Le deuxième constat, c'est celui d'une prise de conscience en faveur du changement. Prise de conscience d'autant plus aiguë que la corruption est vécue comme un phénomène révoltant. “Ils remplissent les sacs et s'en vont.” Ce jugement revient comme une obsession dans les échanges que j'ai eus, notamment avec les jeunes. L'important c'est sa traduction politique. Les gens ne veulent plus accorder leurs suffrages à ceux qui ont failli à leur devoir. Ils demandent des comptes. Ils veulent du nouveau, des perspectives, de la propreté. Ils ont signifié leur congé à la résignation et au fatalisme. Les temps de la facilité, où les candidats adoubés par le pouvoir se font élire sans problème, sont passés.
Les observateurs ont relevé peu d'enthousiasme du public pour cette campagne. Est-ce que vous partagez cette observation ?
Effectivement. On a tellement joué avec les élections, réduites à des formalités sans conséquence, que les citoyens, de plus en plus nombreux, et pas seulement dans les villes, expriment ouvertement leur scepticisme. Ceci dit, les gens se mobilisent dans les meetings en fonction de la crédibilité de ceux qui les tiennent.
Votre formation avait fait l'impasse sur beaucoup de rendez-vous électoraux précédents, considérant que sa participation aurait été une caution à un scénario écrit d'avance. Cette fois-ci, vous décidez de participer aux législatives, avec des listes communes, avec l'UDR et vous aviez même déclaré que ces législatives sont différentes des précédentes. En quoi sont-elle différentes ?
Les élections législatives de 1997, entre autres, nous avaient particulièrement choqués. Aucun candidat, et il y en avait de très valables, n'a pu passer la rampe. Le scénario, comme vous dites, était écrit d'avance. Nous avons cette fois surmonté nos réticences en présentant des listes communes avec l'UDR, et en nous disant qu'il faut quand même tester la crédibilité du scrutin de ce 17 mai.
Les listes communes ANR/UDR constituent un premier jalon dans la mise en œuvre du pôle démocratique. Peut-on considérer aujourd'hui que les conditions sont réunies pour fédérer toutes les forces démocratiques de façon à leur permettre de peser sur le destin politique du pays ?
Les listes communes avec l'UDR ne sont qu'une amorce de quelque chose de plus important qui dépasse la conjoncture électorale. La coordination républicaine est appelée à faire tache d'huile. Une immense attente est apparue au sein de la mouvance républicaine et au-delà. La société algérienne, harassée par l'immobilisme et l'impéritie des gouvernants, réclame du nouveau, de nouvelles espérances. Relancer le moteur du patriotisme — le nationalisme n'est pas le monopole de ceux qui s'en réclament bruyamment —, développer une pédagogie de la démocratie et la conscience citoyenne, telle est notre ambition pour dépasser la marginalisation, les fléaux sociaux, les scandales en série et rendre à l'Etat son prestige et ses capacités de gouverner dans la clarté et la transparence.
En compagnie d'une quarantaine de personnalités nationales d'horizons divers, vous venez de lancer un appel “Pour l'honneur de l'Algérie”, sous la forme de “principes fondateurs d'une Coordination républicaine pour un changement démocratique moderne”. Y a-t-il déjà un premier écho à cet appel ?
Les personnalités de sensibilités différentes mais acquises à la République et décidées à combattre pour les idéaux républicains ont signé solennellement en public l'appel “Pour l'honneur de l'Algérie”. L'écho suscité est réel et ne fera que s'élargir. Déjà, d'autres personnalités se sont prononcées en faveur de cet appel.
Le véritable travail commencera après les élections. Nous venons de communiquer les références auxquelles pourront s'adresser les futurs signataires.
Vous êtes l'auteur d'une formule célèbre : “La peur doit changer de camp.” Plus de dix ans après l'avoir prononcée à la mort d'Abdelkader Alloula, peut-on considérer que cette peur a pour de vrai changé de camp et que l'intégrisme est vaincu en Algérie ?
Si l'on se souvient de la période où le terrorisme avait atteint une ampleur et une virulence incroyables, où la société commençait à vaciller, il est possible d'affirmer que la peur a changé de camp, qu'en tout cas nos concitoyens respirent mieux et que le terrorisme, qui n'a pas totalement disparu, ne tient plus le haut du pavé comme il l'avait fait dans les années 1990. Ne plus avoir peur, cela ne signifie évidemment pas baisser le garde, et que le souvenir des terreurs passées doit toujours nourrir notre vigilance.
Dans vos interventions, comme dans votre appel, vous insistez sur la jeunesse qui est aujourd'hui en perte de repères. quel type de discours, de langage, faut-il lui tenir pour la motiver, la remobiliser, la soustraire à la tentation islamiste pour la remettre sur les rails de l'espoir ?
Tout discours qui redonne l'espoir, non pas en termes de promesses mais de participation des jeunes eux-mêmes à la conquête de leur avenir.
Un discours est crédible aux yeux des jeunes quand il prêche l'exemple et quand il leur propose une voie, une méthode pour sortir de l'impasse.
Il consistera surtout à les éveiller au sens des responsabilités et à leur donner conscience de leur force, de leurs droits et de leurs devoirs.
En tant qu'ancien négociateur des accords d'Evian ayant occupé de hautes fonctions au sein de l'Etat algérien, notamment au HCE et Chef de gouvernement, quel diagnostic faites-vous de la situation actuelle des institutions de la République ?
Pour être objectif, je me mets à la place de ceux qui nous gouvernent et apprécie à leur juste mesure les difficultés qu'ils affrontent. Mais il est des seuils à ne pas dépasser.
le déficit de la concertation, l'opacité et souvent l'incohérence hypothèquent la politique officielle.
Le recours répétitif à une propagande maladroite — nos médias lourds s'en sont fait une spécialité —, le règne sans partage de la bureaucratie — derrière laquelle se cache une stratégie de la pression, de l'intimidation —, aggravent l'écart entre gouvernants et gouvernés.
De tout cela, résultent toutes les carences et tous les dérapages dont les différents secteurs offrent le spectacle. Il faudrait une réforme de l'Etat. Celle-ci, jusqu'à présent, n'a bénéficié que d'un effet d'annonce… d'ailleurs vite oublié.
Si au lendemain des législatives, on vous demande en tant que formations politiques ANR/UDR de participer au gouvernement, y prendrezvous ?
Notre préoccupation principale, à l'exclusion de tout autre, va vers l'avènement d'un vaste mouvement républicain et démocratique, antidote indispensable aux dysfonctionnements et aux déséquilibres politiques actuels.
S. T.


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