Alger est ulcérée. Bernard Kouchner, gastro-entérologue de formation, nommé au Quai d'Orsay, le sait mieux que quiconque. L'arrivée du “French Doctor” à la tête de la diplomatie française risque de créer des turbulences dans les relations algéro-françaises. Malgré le mea-culpa de Jack Lang devant le président Bouteflika sur la nécessité de la repentance de la France coloniale, la gauche n'a eu aucun signe de soutien d'Alger car, secrètement, le pouvoir algérien espérait le triomphe de Nicolas Sarkozy. Le nouveau président français avait annoncé la couleur en multipliant les visites à Alger, renforçant les liens économiques quand il était à Bercy (contrat d'Alstom) ou arrachant une coopération antiterroriste plus dense pour aider la DST dans la traque des réseaux français du GSPC. Mais Alger admirait davantage le franc-parler de Sarkozy qui tranchait avec les discours lénifiants de la classe politique française comme cette citation de Sarkozy sur Europe 1 : “L'Algérie avait été très courageuse au début des années 1990 en interrompant le processus démocratique – à l'époque c'était le FIS – pour éviter la prise de pouvoir des islamistes. À l'époque l'armée avait joué un grand rôle – beaucoup avaient critiqué l'armée algérienne –, mais s'ils n'avaient pas fait cela on aurait pu avoir un régime à la taliban en Algérie. Il faut soutenir l'Algérie, il faut l'aider à se développer et il faut engager une lutte sans merci contre les réseaux terroristes.” Autant dire que le nouveau couple Sarkozy-Bouteflika s'annonçait sous de meilleurs auspices. La nomination de Bernard Kouchner risque-t-elle de remettre en cause cette relation “privilégiée” ? Assurément, et cela pour trois raisons essentielles qui tiennent dans le profil et les positions diplomatiques de Bernard Kouchner à l'égard de l'Algérie. Personne n'a oublié à Alger que les socialistes français, principalement François Mitterrand, avait condamné l'arrêt du processus électoral en 1992 avec des mots durs. Bernard Kouchner ayant fait partie, à l'époque, de toutes les conférences internationales et forums européens qui prônaient une intervention, si ce n'est un conditionnement de toute assistance européenne à l'Algérie. François Mitterrand déclarait, le 14 juillet 1990 : “Moi, je ne dirais pas que le FIS c'est l'intégrisme.” Kouchner lui emboîtant le pas avec cette phrase célèbre après la victoire du FIS : “Il ne faut pas dramatiser d'avance. Les intégristes ne se ressemblent pas tous”, avant de prendre la défense des expulsés de Folombray. Ensuite, le fameux droit d'ingérence humanitaire qui devait être l'aune de la coopération algéro-française à l'époque socialiste. Erigée en sacerdoce, l'agitation de Kouchner sur cette question à l'égard de l'Algérie a fait craindre un positionnement radical de la France qui a tout de même fini par un embargo indirect après l'affaire de l'airbus d'Air France. Enfin, la question de savoir qui dictera la nouvelle politique étrangère française. Kouchner n'est pas un ministre qui fera de la figuration au sein du gouvernement Sarkozy et ses options radicales — soutien sans équivoque à la politique israélienne, droit d'ingérence humanitaro-militaire, sympathie à l'égard des mouvements de sécession et de rébellion dans les pays du Sud, favorable à l'intervention en Irak —, sont autant de points de divergences vue d'Alger. Si l'on y greffe les intentions claires de non-repentance déclinées par Sarkozy par rapport au passé colonial, on sera en présence d'un ticket diplomatique assez problématique pour les relations algéro-françaises. Ainsi, la nomination de Bernard Kouchner au Quai d'Orsay ne peut qu'attiser les inquiétudes. Un Mitterrandien convaincu au cœur du dispositif diplomatique français est une mauvaise nouvelle pour la diplomatie algérienne. Reste maintenant à Sarkozy de dévoiler ses intentions qui semblent a priori positives quant à ce versant de la Méditerranée. De quoi réserver le diagnostic définitif. La liste du nouveau gouvernement français - Alain Juppé, ministre d'Etat, ministre de l'Ecologie, du développement et de l'aménagement durables ; - Jean-Louis Borloo, ministre de l'Economie, des finances et de l'emploi ; - Michelle Alliot-Marie, ministre de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ; - Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères et européennes ; - Brice Hortefeux, ministre de l'Immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du Codéveloppement ; - Rachida Dati, garde des Sceaux, ministre de la Justice ; - Xavier Bertrand, ministre du Travail, des relations sociales et de la solidarité ; - Xavier Darcos, ministre de l'Education nationale ; - Valérie Pécresse, ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche ; - Hervé Morin, ministre de la Défense ; - Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la Santé, de la jeunesse et des sports - Christine Boutin, ministre du Logement et de la ville ; - Christine Lagarde, ministre de l'Agriculture et de la pêche ; - Christine Albanel, ministre de la Culture et de la communication, porte-parole du gouvernement - Eric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique ; - Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé des Relations avec le parlement ; - Eric Besson, secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques - Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat auprès du ministre d'Etat, ministre de l'Ecologie, du développement et de l'aménagement durables, chargé des Transports ; - Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat auprès du ministre des Affaires étrangères et européennes chargé des affaires européennes ; - Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Mounir B.