Le faible taux de participation, qui montre que les autorités ont joué la transparence, consacre une rupture entre la société civile et la classe politique sommée de renouveler son discours, ses méthodes et ses hommes. Ce que les observateurs de la scène politique appréhendaient, à savoir une abstention massive, s'est bel et bien produit jeudi dernier. En effet, la plupart des Algériens ont boudé les urnes, préférant sans doute vaquer à leurs préoccupations quotidiennes. Du jamais vu dans les annales électorales algériennes avec un taux de participation qui ne dépasse guère 35,65%. Soit à peine 6 678 838 citoyens, sur un total de 18 764 400 électeurs ont consenti à mettre leur bulletin dans l'urne. Le niveau de participation a évolué lentement tout au long de la journée pour atteindre l'étiage de 35,65%, à la fermeture des bureaux de vote à 20h. Ce qui signifie que les appels pathétiques des candidats aux citoyens à “se rendre massivement aux urnes” n'auront pas été entendus. À titre de comparaison avec les élections législatives de 2002, à 10h30 où le taux était de 11,58%, jeudi à la même heure, il n'était que de 6,75%. À l'intérieur du pays, le plus grand taux de participation est à inscrire à l'actif de la wilaya de Tamanrasset où l'on enregistre 17,31% de votants, suivie de celle d'Illizi avec 15,70% et Tindouf où 15,11% des électeurs se sont exprimés tôt le matin. Viennent ensuite dans l'ordre les wilayas d'Adrar (12,84%), Laghouat (11%), Guelma (10,75%), Naâma (10,64%) et Souk-Ahras (10,41%). À Alger, on a enregistré un taux de participation de 3% deux heures après le coup d'envoi du scrutin, mais le taux le plus faible a été enregistré à Tizi Ouzou avec 2,18%. À l'étranger, le plus fort taux de participation est à mettre à l'actif de la circonscription Maghreb/Afrique (Tunis) avec 36,69% suivie de la circonscription du monde arabe (Le Caire) avec 35,45% et de celle de l'Amérique/Asie (Washington) avec 14,62%. Dans les grandes villes du pays, les chiffres de participation sont montés laborieusement. Encore une fois, c'est grâce à la participation de l'Algérie profonde, pour des raisons à la fois sociologique et culturelle, que le curseur électoral a pu atteindre hier à la clôture le pourcentage de 35,65%. Lors de sa conférence de presse, hier à l'hôtel El-Aurassi, le ministre de l'Intérieur ne pouvait occulter cette abstention majeure, tant elle constitue le fait saillant du scrutin. Il a essayé néanmoins de la relativiser en citant les exemples italiens et américains où, selon lui, le niveau de participation se situe dans la fourchette de 30-40%. Cette abstention est un signal, un message des Algériens pour la classe politique. Noureddine Zerhouni le décrypte : “Selon mes avis et convictions personnels, notre classe politique ne s'est pas adaptée à la nouvelle demande et à la nouvelle exigence ainsi qu'à l'évolution de notre société”, tente-t-il d'expliquer en estimant qu'il est “impératif de s'atteler tous ensemble à voir quelles sont les causes de dysfonctionnement de notre système politique”, et voir aussi quelles sont les failles, a-t-il ajouté, “dans la communication entre les élites politiques et les citoyens”, d'où, pour lui, la nécessité du réajustement de l'approche politique de façon à la mettre en cohérence avec les attentes et les besoins des Algériens. En usant d'euphémisme et de périphrases pour relativiser l'impact de l'abstention, le ministre de l'Intérieur est animé par le souci de crédibiliser le scrutin et donc l'Assemblée qui en sera issue. Car en vérité, ce niveau de participation constitue “une catastrophe” pour reprendre les propos de Abdelkrim Harchaoui, la tête de liste du RND à Alger qui s'exprimait jeudi sur les ondes de la Chaîne III. Il s'agit, en effet, d'un désaveu, voire d'un camouflet adressé à la classe politique algérienne qui est interpellée dans ces certitudes, ses convictions. Et au lieu de chercher des faux fuyants, du genre “les journalistes n'ont pas fait leur travail de sensibilisation”, les candidats n'ont pas été convainquants, cette classe doit se remettre en question en renouvelant son discours, ses méthodes, ses hommes pour “réhabiliter le politique”. C'est d'autant plus urgent que la présidentielle, une échéance autrement plus importante pour la stabilité politique du pays, pointe déjà à l'horizon. N. SEBTI Lire tout notre dossier en cliquant ici