Indépendamment du sort du Chef du gouvernement sortant, le changement de gouvernement doit être à la mesure de la rupture réclamée jeudi par les Algériens, à travers leur abstention massive. Le processus électoral, qui aura été au centre du débat public pendant des mois, connaîtra son ultime étape avec le verdict que rendra le Conseil constitutionnel. Des formations politiques, non convaincues des suffrages qu'elles ont obtenus, ont fait des recours. Même s'ils sont pris en considération, il est improbable que ces recours puissent remettre en cause de manière significative les résultats livrés jeudi par les urnes. Alors que la cérémonie officielle d'installation de la nouvelle Assemblée est attendue pour jeudi, les langues se délient déjà pour la formation du gouvernement. First question : Abdelaziz Belkhadem restera, restera pas ? Une chose est sûre et lui-même l'a affirmé : il remettra sa démission au président de la République juste après la proclamation des résultats par le Conseil constitutionnel. En tout état de cause, le président Bouteflika doit tenir compte du message délivré jeudi par les Algériens, à savoir un désir de changement profond valable aussi bien pour la classe politique que pour l'Exécutif, tous deux disqualifiés par les 65% d'électeurs algériens qui ont préféré vaquer jeudi à leurs occupations habituelles. Mais ira-t-il jusqu'à sacrifier Belkhadem qui aura été son âme damnée et son serviteur loyal. D'autant que dans sa modestie, il a systématiquement récusé l'ambition qu'on lui prête de rêver d'un destin national. Ce qui plaide pour son maintien à la barre de l'Exécutif. Cela n'empêche néanmoins les observateurs de se livrer au jeu de la martingale. Et du coup, le nom de l'incontournable Ahmed Ouyahia refait surface. On parle aussi de Lakhdar Brahimi, ostensiblement reçu la semaine dernière à El-Mouradia. Tayeb Louh, considéré comme l'un des “sherpas” du président de la République fait partie des probables premiers ministrables. Indépendamment du départ ou du maintien de Abdelaziz Belkhadem, l'équipe ministérielle est appelée logiquement à subir un lifting en profondeur. D'abord parce que dix-neuf ministres sur 38 de l'équipe sortante, sont élus dans leur circonscription. Sans doute préféreront-ils la stabilité qu'offre le mandat parlementaire de cinq ans au maintien au sein d'un gouvernement sujet aux aléas, surtout avec la présidentielle de 2009 qui clignote déjà à l'horizon. On dit même que c'est le président Bouteflika qui a demandé aux ministres de se présenter à la députation pour “ne pas rester en chômage”, après le 17 mai. Le résultat des urnes pèserait probablement dans la formation du prochain gouvernement. Le RND et le MSP, qui ont amélioré leurs “quotas”, au détriment du FLN qui a perdu une soixantaine de sièges voudraient pousser l'avantage en cherchant à avoir une plus grande présence dans le gouvernement. Quid aussi de l'ouverture sur d'autres formations politiques, dans le cadre d'un gouvernement d'union nationale ? Le chef du RCD, lors de la campagne électorale, ne s'est pas montré hostile à cette éventualité, expliquant que les choses devaient être discutées en amont. Avec le résultat que vient d'obtenir son parti “spolié de la moitié de ses sièges”, est-ce que l'option n'est pas remise en cause ? La tentation pour le président de la République serait grande de vouloir ramener au gouvernement le Parti des travailleurs. Avec le rebond qu'il vient d'enregistrer, en devenant la cinquième force politique du pays, l'entrée de ses ministres dans l'Exécutif serait interprétée comme un premier élément de réponse au message du 17 mai. Encore que Mme Hanoune avait déclaré qu'elle préférait rester dans l'opposition, un rôle moins engageant. Comme dans un jeu de poker, la parole est au président Bouteflika qui aura à cœur d'amorcer le reformatage du paysage politique réclamé par les Algériens jeudi dernier. N. Sebti