Lors de sa conférence de presse, samedi soir, à l'issue de la cérémonie dédiée aux nouveaux députés, Abdelaziz Belkhadem s'est fait fort d'annoncer que 14 députés, élus le 17 mai sur des listes indépendantes s'apprêtent à rejoindre avec armes et bagages le FLN. Cette annonce, brandie comme un trophée de guerre, s'adresse, au-delà du parterre de journalistes, à ses contradicteurs qui lui reprochent d'avoir fait perdre au parti une soixantaine de sièges, par rapport à l'Assemblée sortante dans laquelle il comptait 202 sièges, contre 136 seulement dans l'actuelle. Que le chef du FLN fasse valoir ces ralliements pour relativiser le recul de son parti, c'est de bonne guerre et ça relève, à la limite, de l'anecdote. Le problème réside, en revanche, dans ces députés eux-mêmes qui, pour des raisons pour le moins obscures, décident de changer de drapeau. Les citoyens de leurs circonscriptions, qui leur ont fait l'honneur de les sacrer députés, leur ont donné leurs voix parce qu'ils sont précisément “indépendants”. Car ces mêmes citoyens avaient la latitude de voter le 17 mai pour des candidats partisans. Ce qui fait que le glissement vers une formation politique quelconque se donne à voir pour l'observateur comme une trahison à l'égard du citoyen électeur. Il est vrai que la loi n'interdit pas ce genre de transvasement, mais c'est une question d'éthique politique. Moralement, ces députés n'ont pas le droit d'avoir une telle attitude dès lors que la volonté populaire a décidé qu'il y ait des députés indépendants à l'hémicycle. Lors du débat organisé samedi dernier par la télévision, Louisa Hanoune avait considéré que ce problème représentait “un danger pour la démocratie et le pluralisme”. Elle rebondit sur les propos de Belkhadem qui eut à peine le temps de dire que des députés indépendants avaient exprimé le désir de rejoindre la maison FLN. Un autre phénomène à peu près de même nature a fait son apparition à l'Assemblée après l'instauration du pluralisme. Le Parti des travailleurs de Mme Hanoune en sait quelque chose : ce sont ces députés qui, après avoir été élus sous les couleurs d'un parti, décident pour de soi-disant “divergences politiques avec la direction du parti” de rompre avec ce dernier. Dans neuf cas sur dix, il s'agit davantage de divergence de “fric”, car en rompant avec le parti, ils ne sont plus astreints à l'obligation de verser une partie de leur indemnité à la régie de leur formation politique. C'est ce genre d'incongruités, aux antipodes de la morale la plus basique, qui a jeté le discrédit sur la classe politique algérienne, en particulier les députés vus comme des mercenaires mus par l'appât de l'indemnité. Le taux d'abstention record qui s'est exprimé le 17 mai, c'est aussi un cri de révolte collectif contre ces pratiques qui ont disqualifié le politique aux yeux des Algériens. La révision de la loi électorale, annoncée comme chantier prioritaire de la nouvelle Assemblée, tombe justement à pic pour colmater les failles du dispositif qui a rendu possibles de telles dérives. N. Sebti