Le secrétaire général du FLN est fier d'annoncer le ralliement de vingt et un députés indépendants élus lors du scrutin du 17 mai 2007. « Quatorze d'entre eux ont déjà formulé leur demande écrite d'intégrer le parti », a précisé Abdelaziz Belkhadem lors d'une conférence de presse. La chose est perçue comme une attitude normale. Or il y a un problème profond : l'absence totale d'éthique politique. Comment se peut-il qu'un député aille solliciter l'intégration dans un parti, alors que le contrat moral avec les citoyens est d'avoir été élu en tant qu'indépendant, pas en tant que militant d'une formation politique ? Si le militantisme de ce député avait été mis en avant, il n'aurait probablement pas été élu. Il y a donc une trahison claire de la confiance des électeurs et un mépris évident de l'acte électoral lui-même. Cette légèreté avec laquelle de futurs représentants du peuple jouent avec la bonne foi des citoyens est une forme sournoise de corruption. Et là, le FLN tombe dans son propre piège et fait montre d'une incroyable hypocrisie. Les responsables de ce parti ont, durant la campagne électorale pour les législatives, dénoncé le recours à l'argent et à l'achat des positions dans les listes. Tous ces discours étaient-ils de simples paroles en l'air ? Rien n'empêche les observateurs de penser que le FLN a usé de tous les moyens de « séduction » pour attirer dans son cercle les députés indépendants. Et rien n'interdit de croire que le parti de Belkhadem a mis en pratique la traditionnelle ruse du cheval de Troie : faire élire des indépendants, à l'origine activistes du parti, et les récupérer après. C'est vieux comme le monde, mais en Algérie ça marche toujours. L'amusant est que le SG du FLN veut faire passer ce comportement comme une victoire ! Le fait curieux est pourquoi ces vrais faux indépendants n'ont-ils pas « immigré » vers d'autres partis comme le RND, le MSP, le RCD ou le PT ? Pourquoi uniquement le FLN ? Légalement, rien n'interdit ce nomadisme, mais sur le plan éthique cette attitude est inacceptable. Le temps est peut-être venu, même si le pays demeure encore fermé au débat démocratique ouvert, d'aborder la faisabilité et l'opportunité de présence de « candidats indépendants » aux élections législatives ou locales. Des candidats qui se mettent à l'épreuve des urnes avec de vagues idées de promesse, sans programme, sans projet et sans obligation de rendre compte à quiconque. Les députés indépendants des deux dernières législatures (1997 et 2002) n'ont pas brillé par une forte capacité de proposition ou de résistance à l'ordre établi au sein de l'APN. Mis à part un ou deux, les Algériens ignorent même les noms et prénoms de ces ex-députés. S'il y a lieu de revoir la loi électorale, la question de laisser ou pas des indépendants se présenter doit être débattue et tranchée. La révision de la loi électorale, défendue avec insistance par le RND et le MSP, des partis membres de l'Alliance présidentielle, a refait surface ces derniers jours pour justifier la forte abstention au scrutin du 17 mai. Cette révision est presque érigée en solution, alors que le mal est plus profond et que le refus de voter des Algériens était un acte de sanction de l'action de cette même Alliance qui, théoriquement, applique le programme du président de la République. Au-delà de cela, le FLN, qui veut envahir toutes les institutions de l'Etat, entend se fabriquer une majorité contre vents et marées, car comment expliquer cet engouement à annoncer la venue d'indépendants pour renforcer les rangs à la chambre basse du Parlement ? Au lieu de 136 sièges, le parti de Belkhadem aura 157 grâce aux nouveaux « renforts ». Ciblé par la commission nationale de surveillance des élections de Saïd Bouchaïr, qui l'a accusé de fraude électorale, le FLN donne l'impression de céder à une certaine panique. Celle de rater la prochaine marche ou de passer à côté d'enjeux peu apparents aujourd'hui mais déterminants plus tard. Il va sans dire que la présidentielle de 2009 se prépare aujourd'hui. L'APN, qui sera installée dans des conditions non constitutionnelles, puisque le délai fixé par la loi fondamentale a été largement dépassé, survivra au-delà de 2009. La majorité parlementaire d'aujourd'hui pourrait ne pas être celle de demain.