En reconduisant quasiment les mêmes, le chef de l'Etat a ainsi renvoyé dos à dos les différentes parties qui voulaient avancer leurs pions, à l'occasion du “changement” de gouvernement. Le président de la République prend à contre-courant les partis de l'alliance présidentielle (RND, MSP et FLN) à l'occasion de la nomination du nouveau gouvernement. Alors que les leaders de ces trois formations politiques (Ahmed Ouyahia, Abou Djerra Soltani et Abdelaziz Belkhadem) lui avaient présenté des listes de leurs cadres ministrables, le chef de l'Etat les surprend en ne donnant aucune suite à leurs “ministrables”. Selon notre source, Abou Djerra Soltani, le président du Mouvement de la société pour la paix (MSP) a transmis aux services de la Présidence, quarante-huit heures avant l'annonce officielle du nouveau gouvernement, une liste d'une dizaine de ministrables. Le patron de ce parti, qui n'a pas souhaité être reconduit, a revendiqué le maintien d'un seul de ses ministres actuellement en poste. Il s'agit de Amar Ghoul, le ministre des Travaux publics. S'agissant des cadres proposés à la fonction ministérielle, ils se recrutent parmi l'entourage proche d'Abou Djerra Soltani. En l'occurrence, deux vice-présidents du MSP (Abderezak Mokri de M'sila et Abdelmadjid Menasra de Batna), un ancien ministre actuellement député de Sétif (Abdelkader Semari) ainsi qu'un ancien président du groupe parlementaire (Abdelkrim Dahmane non élu sur la liste de Tipasa), et l'actuel président de groupe parlementaire, Ahmed Issad, député de Bouira. C'est en tout cas ce que révèlent des sources très au fait des listes transmises au chef de l'Etat. La démarche du secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND), Ahmed Ouyahia, a été tout autre. Il a opté, selon ces mêmes sources, pour le maintien de l'ensemble des ministres actuellement en poste (Benbouzid, Maghlaoui, Nouara Djaâffar) de son parti, mais il en a proposé d'autres. La précaution de proposer une liste de cadres du RND ministrables, selon Ouyahia, est liée à l'éventualité de voir les ministres du parti en poste remerciés par le chef de l'Etat. À ce propos, parmi les ministrables aux yeux d'Ouyahia, une douzaine à peu près, où figurent son cercle le plus proche : Abdelkrim Harchaoui député d'Alger et ancien ministre des Finances, Miloud Chorfi, député de Mascara et président du groupe parlementaire du parti, Chihab Seddik, député d'Alger et un candidat RND aux législatives, originaire de la wilaya de Chlef non élu le 17 mai dernier. Le leader du Rassemblement, nous dit-on, n'a pas porté son nom sur la liste des ministrables. S'agissant de la liste du Front de libération nationale (FLN), son secrétaire général, Abdelaziz Belkhadem, a porté une vingtaine de noms sur la liste adressée au chef de l'Etat. Plusieurs noms sont avancés à ce propos : Daâdouaâ Layachi, l'actuel président du groupe parlementaire du FLN, Tahar Hadjar, recteur de l'université d'Alger, Chelghoum Abdeslam, secrétaire général du ministère de l'Agriculture, Nordine Benhamouda, ancien député d'Alger et directeur de cabinet au ministère de l'Enseignement supérieur, Driss Fadli, ancien député, Abdelmadjid Ben Abou, député et ancien ministre de la Communication, Mohamed Bouazaza, ancien député de Laghouat. Toutefois, aucun de ces noms n'a été annoncé lundi dans le nouveau gouvernement. Le président de la République a visiblement agi seul et a décidé de se passer des propositions et des vœux des chefs de parti (Ouyahia, Belkhadem et Abou Djerra) qui se sont coalisés en alliance pour soutenir son programme. Le plus dramatique pour les chefs de partis de l'alliance n'est pas seulement qu'aucune de leurs propositions n'ait été retenue, mais bien le fait que le président de la République se passe aisément et royalement de leurs propositions, de leurs vœux et de leurs recommandations. Le président de la République, qui n'a donc pas consulté les formations de l'alliance dans ses choix, rappelle abruptement que nous sommes bel et bien dans un régime ultra-présidentiel. NADIA MELLAL