Dans cet entretien, le premier responsable de Michelin Algérie alerte les pouvoirs publics sur le danger que représente l'économie parallèle sur la pérennité de l'outil de production local ainsi que sur l'importance de la concurrence déloyale. Liberté : Quelle est l'importance de l'usine d'Alger pour le groupe Michelin ? Jean-Yves Caux : C'est la plus petite usine du groupe Michelin. Aujourd'hui, elle est la seule usine du groupe sur le continent africain. Elle a pour objectif de couvrir en priorité le marché algérien, mais aussi de placer une partie de la production à l'exportation. Cette usine est un exemple de réussite industrielle. Elle a été créée en 1963 pour fabriquer des pneus pour véhicules particuliers, camions… La production a été arrêtée en 1993. Elle a repris en 2002. À cette date, nous avons lancé un projet de modernisation de l'usine. On a investi 40 millions d'euros et créé plus de 800 emplois. L'effectif aujourd'hui est de 950 salariés. On investit 40% du temps de travail en formation. Michelin Algérie a été certifié ISO 9001 par le cabinet international Utac. C'est le premier exportateur manufacturier hors hydrocarbures à partir du port d'Alger. Plus de 50% de la production est aujourd'hui destinée à l'exportation, notamment vers les pays voisins et l'Arabie Saoudite. Les capacités de l'usine sont de 250 000 enveloppes par an pour poids lourds. Le potentiel du marché algérien est important : 700 000 pneus pour poids lourds sont commercialisés par an. Michelin souhaite acquérir une bonne part de ce marché en tablant sur les performances de ses produits. Le numéro 1 du marché algérien des pneumatiques, ce sont les Chinois. Nous estimons notre part à 30% du marché. Nous sommes le numéro 1 des pneumatiques dans le monde. Nos principaux concurrents sont Bridgeston et Goodyear. Quelles sont les principales contraintes que rencontre votre entreprise en Algérie ? Nous subissons une vive concurrence de l'informel. L'informel et le dumping dominent le marché algérien du pneumatique. Plus de 50% du marché est accaparé par l'informel. Ce qui menace l'industrie du pneumatique en Algérie. La douane dispose d'informations sur les importations qui confirment ce constat. Les pneus sont importés à raison de 1,07 dollar par kilogramme. Or, à l'échelle internationale, le prix de ces pneus s'élève au moins à 3 dollars le kilogramme. Le marché est inondé d'imitations des pneus Michelin. Ces produits d'origine chinoise sont beaucoup moins chers. La douane s'est saisie du dossier. On attend des mesures. La fiscalité est également pénalisante pour le producteur. Le produit fini importé est taxé à 15% de droit de douane alors que certains inputs, qui entrent dans la fabrication du pneu, sont frappés d'un taux de droit de douane de 30% comme les tringles. Comment Michelin compte-il se développer en Algérie ? Pour l'instant, l'objectif ciblé est que l'usine réalise sa capacité de production. Sa taille, le niveau de sa productivité se situent loin des standards internationaux. Il s'agit d'augmenter la productivité, de réaliser des progrès sur la qualité des produits, de maintenir les performances du pneu Michelin, de pérenniser l'activité de l'usine et d'améliorer les conditions de travail. Le pneu Michelin produit en Algérie a les mêmes performances que celui produit dans une usine Michelin en Europe ou en Asie. Propos recueillis par N. Ryad