RESUME : Fatia s'efforce de protéger au mieux sa fille. Djohar le lui rend bien. Elle est studieuse et sait comment s'y prendre avec la famille. Même lors des querelles, elle ne prend pas partie. Elle a conscience du sacrifice de sa mère et promet de la sortir de la misère quand elle sera grande… Tout comme Fatia, il y a Keltoum. Elles sont de la même région et elles se sont rencontrées plus d'une fois à la polyclinique du village. Keltoum est un peu plus âgée qu'elle mais leur parcours est presque le même. Elles ont toutes deux échoué dans leur mariage et elles ont aussi la garde de leurs enfants. À la seule différence, Keltoum a un fils et Fatia une fille. Ces derniers ne fréquentent pas la même école. Le fils de Keltoum est déjà au CEM. Il n'est pas excellent élève mais il réussit à obtenir de justesse la moyenne pour le passage. Lorsque les deux femmes se revoient chez le médecin de la polyclinique, elles échangent des nouvelles et toutes deux éprouvent du bien à parler de leurs problèmes. - Je ne peux sortir que pour des soins. Les fêtes et même les veillées funèbres, ce sont ma mère et mes belles-sœurs qui s'y rendent, moi, je ne suis bonne qu'aux corvées ! - Moi, je ne les fais plus, répond Fatia. Je vis dans l'ancienne chambre de mes parents et je travaille le lopin de terre que j'ai hérité d'eux. L'argent que je dépense vient de mon beau-père. Et toi, comment fais-tu pour subvenir aux besoins de ton garçon ? - Je couds des robes et les envoie au marché, répond Keltoum. Le peu que je gagne, parfois, je ne le vois pas. Mon fils le dépense. - Tant qu'il ne fume pas et qu'il ne chique pas, c'est bien ! - Hélas, il fume et il refuse de m'écouter, soupire Keltoum. Il a à peine quatorze ans et je le vois brûler ces poumons. Je suis impuissante face au mal qui le ronge. - Il devrait être plus fort que ça. Ce n'est pas parce qu'il est fils de parents divorcés qu'il doit gâcher sa vie, dit Fatia. En étant avec toi, chez ses grands-parents et ses oncles, il a la chance d'avoir une vie de famille presque normale. Je comprends que son père lui manque mais ce n'est pas une raison ! - Il refuse de m'écouter. Les rares fois où il a assisté aux querelles entre ma mère et moi, ou mes belles-sœurs, il a pris leur parti ! - Ma fille est bien avec tout le monde et même lorsqu'elle n'est pas d'accord, elle ne le montre pas, confie Fatia. Je voudrais parfois faire comme elle mais l'envie de crier est toujours plus forte ! Je ne peux pas m'en empêcher. - Moi aussi ! À la maison, on dit que je suis mauvaise et dure ! Fatia rit doucement, se rappelant qu'on le lui dit souvent. Elle pose une main compatissante sur son bras et lui murmure. - Une fois que ton fils sera grand, tu ne vivras plus cette torture au quotidien. Fatia a conscience qu'en décidant de ne pas refaire sa vie et de se consacrer à sa fille, plus tard, dans un avenir pas lointain, elle allait se retrouver seule. Sa fille ira dans quelques années à la fac puis un jour, elle se mariera. Elle aura sa propre vie où elle, elle ne peut pas en faire partie. Elle imagine mal un gendre accepter sa présence plus de deux ou trois jours. Keltoum pourra s'imposer dans le foyer de son fils. Mais elle, elle ne le pourra pas. Elle ne prendra pas le risque de nuire à son bonheur. Tout ce qu'elle lui souhaite, c'est de réussir dans sa vie. Il n'y a que cela qui la confortera dans l'idée qu'elle ne se sera pas sacrifiée pour rien. A. K. (À suivre)