RESUME : Son choix lui vaudra des querelles avec son entourage. Sa mère ne comprend pas. Elles s'en veulent mutuellement. Sa mort brutale l'aidera à réaliser combien elle l'aimait. Son père ne tarde pas à les quitter. Fatia devra tenir tête à ses frères qui n'approuvent pas son refus de se remarier. Maman, tu ne devineras jamais, crie Djohar, à travers les champs en rentrant d'école, très excitée. On part en excursion à Alger ! Fatia se redresse et accroche sa faucille à l'épaule, pour ne pas l'égarer dans le blé. Elle regarde Djohar courir vers elle, aussi légère qu'un papillon. - Maman, est-ce que je pourrais y aller ? - Il faudra certainement payer et tu sais qu'il ne me reste presque rien, répond Fatia. SI tu arrives à te débrouiller la somme, tu as mon autorisation ! Djohar lui saute au cou. - Merci, maman. Grand-père m'a donné de l'argent, lui dit-elle en sortant des billets de sa poche. Il tient à ce que je m'achète de nouveaux vêtements et que je participe à cette sortie de fin d'année ! - Grâce à lui, ce sera possible ! Quand afficheront-ils les résultats de l'examen de sixième ? - Bientôt, mais je n'ai pas besoin des résultats pour savoir que j'ai réussi, dit la fillette. Je suis la meilleure de ma classe ! - Attendons d'avoir les résultats pour le crier, réplique Fatia avant de reprendre sa faucille. Rentre à la maison maintenant ! Aide tes cousines si elles ont à faire. - Je sais ! Que Dieu te vienne en aide, maman ! Je t'aime tant ! Fatia sourit et durant quelques secondes, elle la regarde s'éloigner à travers champ. Du haut de ses onze ans, elle est déjà très responsable. Lorsqu'elle rentre, elle trouve leur chambre propre, aérée. Djohar s'occupe en lavant leur linge, parfois, lorsqu'elle tarde, elle prépare à manger. Elle pétrie la galette et la remet à sa cousine qui la cuit sur un feu de bois. Fatia, depuis quelque temps, se repose sur elle. Elle rentre à la tombée de la nuit même si cela ne plaît pas à ses frères. Dans la chambre qu'elle occupe, dans le fond de la cour, elle a deux matelas et des couvertures en laine. Un petit réchaud et de vieux ustensiles sont posés dans le coin de la pièce. Le petit coin-cuisine. L'eau est réservée dans des bidons. Djohar accompagne ses cousines à la fontaine et en profite pour remplir les bidons. La fillette s'entend très bien avec elles et même avec les épouses de ses oncles. Tout comme sa mère, elles ne sont pas faciles à vivre. Même lorsqu'elles s'accrochent, elle ne prend pas le parti de sa mère. Elle reste correcte avec elles pour ne pas compliquer leur situation davantage. Malgré son jeune âge, elle a conscience d'être là contre leur volonté. Elle voie bien sa mère en conflit avec presque toute la famille. Comme pour excuser le fait d'être là, elle se fait discrète et est serviable. Même si sa mère n'apprécie pas qu'elle se mette au service de ses tantes, elle la prie de ne pas l'empêcher d'être bien avec elles. - J'ai seulement rincé le parterre, dit-elle. C'est juste pendant les vacances. Et puis, c'est après m'être occupée de notre chambre. - Ce n'est pas parce que tu es serviable qu'elles doivent profiter de toi ! En t'utilisant, elles me font mal, dit Fatia. Je ne suis pas leur bonne et tu ne seras la bonne de personne ! Djohar lui saute au cou et lui promet : - J'irai loin dans mes études, j'ignore encore ce que je ferai plus tard mais je te jure qu'on ne vivra plus dans la misère et que toi, tu n'auras plus à travailler la terre ! Je gagnerai beaucoup d'argent et tu auras même une bonne pour s'occuper de la maison et toi, il ne te manquera rien ! Je te le promets. Fatia, le cœur serré et émue jusqu'aux larmes, se rappelle ses rêves de jeunesse. Ils sont loin derrière elle et elle n'en a réalisé aucun. ADILA KATIA (À suivre)