“Les victimes devaient terminer leur service ce vendredi…13”. Les islamistes ont en décidé autrement. Un camion frigorifique bourré d'explosifs, conduit par un terroriste, a foncé sur le poste militaire de Lakhdaria dans la wilaya de Bouira. L'attentat s'est déroulé à 6h50. Bilan, 10 morts et 35 blessés. Hier à Lakhdaria. Tout paraît calme et rien n'indique qu'un attentat avait eu lieu la matinée même. Les gens vaquent à leurs préoccupations et les cafés sont bondés de monde. En abordant un jeune homme pour lui demander où avait eu lieu l'attentat, il nous montre le chemin rapidement avant de s'éclipser sans même se retourner. Juste à la sortie de la ville de l'ex-Palestro, une plaque bloquant la route était bien visible. Les services de la gendarmerie ont procédé à la mise en place d'un périmètre de sécurité juste après l'attentat. Un barrage est installé tout juste au niveau d'une pompe à essence et à environ une centaine de mètres du poste militaire. Il nous a été bien stipulé que ni la presse ni les citoyens n'avaient le droit de passer. De loin, on ne pouvait pas distinguer grand-chose, si ce n'est quelques véhicules militaires. En faisant attention à l'endroit, on pouvait bien remarquer que le poste militaire se trouve entre le tronçon de la nouvelle autoroute et la voie ferrée et que, tout autour, il y a les montagnes qui font la renommée de la région. Sur place, on est bien loin de l'ambiance de la ville. Sous un soleil de plomb, les employés de la pompe à essence donnaient l'impression d'être inactifs. “C'est presque comme ça tous les jours à cette heure-ci. Nous avons du monde la matinée tôt ou en fin de journée. Nos clients sont ceux qui font les longs trajets”. “Il fallait être ici la matinée pour entendre les sirènes des ambulances après la forte déflagration”, nous a quand même rétorqué l'un des employés de la pompe dès qu'on l'a abordé. Il a ajouté : “Nous n'avons jamais eu de problème de terrorisme à ce niveau. C'est devenu même très calme depuis environ une année. Cette route était très dangereuse et les accidents étaient enregistrés très régulièrement. C'est avec l'ouverture de la nouvelle autoroute que ça s'est arrangé et c'est tant mieux.” Cependant à notre première approche, la plupart des employés étaient hésitants et ne voulaient pas trop parler de l'attentat. “Tout ce que je sais, c'est que j'ai entendu la déflagration tôt ce matin”, nous a dit l'un d'eux, alors qu'un autre nous rétorque : “La bombe était très puissante. On a senti la terre trembler sous nos pieds, et on a cru qu'elle allait nous souffler.” Au fil de la discussion, les langues commençaient à se délier et l'un des employés à raconter ce qui s'est passé : “C'est arrivé le 11 du mois et en plus les morts devaient terminer leur service militaire ce vendredi et par hasard c'est un vendredi 13.” Un autre semblait surpris après avoir entendu le chiffre de 7 morts. “Quoi ? J'en doute fort. À entendre la force de l'explosion, ça doit être beaucoup plus”, avant de se taire. Entre temps, les gendarmes en faction faisaient des signes à toutes les voitures civiles de rebrousser chemin devant la stupeur et souvent le mécontentement des conducteurs. On a aussi remarqué que plusieurs camions à leur bord des militaires sur le qui-vive se dirigeaient vers le campement, alors que des ambulances venaient dans le sens inverse. Le fast-food mitoyen de la pompe à essence était vide. En y entrant, on ne pouvait rater les nombreuses photos du MCA “Chnaoua jusqu'à l'os ya khou”, nous a fait signe un jeune debout derrière le comptoir avant d'ajouter : “Mais al youm l'ambiance n'est pas au football.” Parlant de l'attentat, il nous a déclaré que “la déflagration était très forte et ça nous a surpris. Nos sommes sortis en courant pour voir ce qui se passe, mais on n'a pu rien voir de précis. D'ici on ne voit pas bien le campement”. Soudain son visage se crispe et en changeant de ton, il ajoute : “Nous croyons savoir qu'il y a eu sept morts parmi les militaires. On doit sûrement les connaître puisque ceux du campement sont nos clients.” On a noté aussi qu'aucun des employés du fast-food ou de la pompe à essence n'a évoqué le terme kamikaze. Pour les citoyens de Bouira, le terrorisme continue de montrer son ignominie. Par ailleurs, la branche d'al-Qaïda au Mahgreb (ex-GSPC) a revendiqué hier la responsabilité de l'attentat-suicide, a rapporté la chaîne satellitaire Al-Jaazira. S. K.