Curieusement, aucun avocat n'a demandé, hier, la présence de l'ancien et du nouveau ministres de l'Habitat, comme il avait été exigé lors de la première séance. Ainsi, le débat attendu autour de cette question n'a pas eu lieu et le président du tribunal, M. Benabdallah Redhouane, n'a trouvé aucun mal à commencer les auditions des accusés ; l'intervention d'un autre, qui a exigé la présence du ministre des finances, n'a convaincu personne. C'est le dossier du site des 132-logements OPGI de Zemmouri, où six bâtiments ont été effondrés, qui a été le premier à être examiné par le tribunal. Et c'est l'ex-P-DG de l'OPGI de Boumerdès, M. Henni Adda Kamel, qui a appelé à répondre aux chefs d'accusation : “homicide et blessures involontaires, tromperie dans la qualité des matériaux de construction, non-application des normes de la construction”, entre autres. Mais l'assistance est restée sur sa faim tout au long de l'interrogatoire qui a duré presque plus de deux heures puisque M. Henni Adda ne dira pas grand-chose au président du tribunal.“C'est la volonté divine”, a-t-il laissé entendre. Ce qui a provoqué l'ire du président du tribunal qui lui a signifié que la puissance du séisme ne représente que 30% par rapport à la responsabilité des hommes appelés à faire respecter la loi et à suivre les chantiers, a-t-il martelé. Et il continuera sur sa lacée en interrogeant l'accusé qui refuse toujours de parler. “Vous persistez dans votre silence, alors que de lourdes charges pèsent sur vous”, lui lance-t-il puis d'ajouter : “est-ce que vous avez réuni un jour l'ensemble des intervenants pour parler de ce chantier et est-ce que vous vous êtes déplacés un jour à Zemmouri pour voir si les choses se déroulent normalement”, ajoute encore M. Benabdallah. Désarçonné par les question, l'ex-P-DG n'a pas su répondre aux différentes questions du président se contentant de dire qu'il a délégué d'autres responsables pour suivre les projets. Son avocat vient à sa rescousse pour questionner son client sur le nombre de projets dont il a la charge. “100 projets au niveau de la wilaya”, dira M. Henni, un peu soulagé. Le procureur de la république intervient pour demander à l'ex-directeur de l'OPGI de lui fournir des explications sur la réception du projet de Zemmouri en l'absence de l'avis du CTC. “Est-ce que le CTC a émis des réserves sur le projet ?” s'interroge le président du tribunal. “Il a émis des réserves, mais elles ont été levées”, ajoute-t-il. M. Benabdallah continue : “vous n'avez pas tenu compte de l'avis du CTC et vous avez laissé les entrepreneurs faire ce qu'ils veulent, même pour s'occuper de la gestion des éprouvettes du béton, alors qu'ils n'ont pas droit d'y toucher.” Le procureur de la république intervient pour demander à l'accusé sur quels critères a-t-on choisi le bureau d'études qui assurait le suivi du projet bien qu'il ne possède pas l'expérience requise. L'accuse répond que “le bureau d'études a été choisi sur la base d'un concours national organisé par les services du ministère de l'Habitat”. “Mais vous saviez que ce bureau d'études n'avait aucune expérience”, réplique le procureur. À ce moment-là, l'avocat intervient pour dire que “la commission du choix du bureau d'études est obligée d'attribuer le projet au lauréat du concours”. Le président du tribunal fait appel au chef de service de l'OPGI, M. Semati, chargé du suivi du projet de Zemmouri. Le président du tribunal lui demande : “comment avez-vous réceptionné ce projet sans l'avis du CTC ?” L'accusé répond : “Impossible, on ne peut pas réceptionner un projet avec des remarques du CTC.” Le procureur intervient : “pourtant c'est ce que disent les expertises notamment en ce qui concerne les bâtiments A et B réceptionnés sans l'avis du CTC.” M. Semati explique les différentes procédures pour la réception et tente de convaincre le président en affirmant que “ce sont d'autres techniciens qui interviennent sur site et que les réserves du CTC ont été levées”. Mais le président du tribunal intervient pour lui dire que “les experts ont constaté que les entreprises ont utilisé du gravier roulé au lieu du gravier concassé, des barres de fer de 12 au lieu de 14, du ciment 205 de 45 kg au lieu du 350 de 50 kg”. Le responsable du bureau d'études était lui aussi appelé à la barre pour dire qu'il a délégué pour ce projet “un ingénieur expérimenté en béton” et que ses techniciens ont assuré un suivi régulier du projet. Ce qui a provoqué l'ire du président du tribunal qui l'a harcelé de questions. “Est-ce que vous avez un document qui prouve que vous vous êtes réunis avec les différents services qui interviennent sur ce projet et pourquoi vous n'avez pas tenu compte de l'avis du CTC qui vous a refusé les fouilles des bâtiments A et B ?” L'accusé répond que “ses services ont régulièrement suivi le chantier et que les fouilles ont été refaites suivant les recommandations du CTC”. Un des entrepreneurs accusé dans ce dossier a nié tous les faits qui lui sont reprochés en affirmant que les bâtiments ont été construits suivant les recommandations du bureau d'études et conformément aux plans techniques. Le président lui répond : “Et pourtant ce sont quatre expertises qui ont démontré le contraire”. Le procès reprend aujourd'hui. M. T.