Les éditions de deux hebdomadaires marocains Nichane et TelQuel ont été saisies samedi soir sur ordre du gouvernement et leur directeur Ahmed Benchemsi a été convoqué par la police pour “manquement au respect dû au roi” et pour “des expressions contraires à la morale”. La censure de la presse a frappé de nouveau au Maroc avec la saisie des deux hebdomadaires indépendants Nichane et TelQuel, dirigés par le même journaliste, Ahmed Benchemsi. Le gouvernement marocain a ordonné la saisie de leurs éditions respectives du samedi au motif de “manquement au respect dû au roi”, a indiqué une source officielle à Rabat. Les services du gouvernement marocain avaient annoncé, dans un premier temps, la saisie de l'hebdomadaire arabophone Nichane pour les raisons citées précédemment. Plus tard, dans la soirée, le ministère de l'Intérieur marocain a, de son côté, ordonné la saisie de l'hebdomadaire francophone TelQuel, invoquant comme seule cause de la saisie le non-respect du roi. Selon l'agence de presse officielle marocaine Maghreb Arabe Presse (MAP), Nichane a été saisi pour “avoir publié en outre des articles mettant en cause le Prophète et portant atteinte à la moralité publique et aux bonne mœurs”. En effet, l'hebdomadaire a critiqué, dans son numéro de samedi, des propos du roi Mohammed VI concernant la monarchie marocaine et les élections législatives du 7 septembre 2007, dans son discours du trône prononcé le 30 juillet. Dans la même édition, le journal a également publié un dossier intitulé “Le sexe dans la culture islamique”, illustré de tableaux de peinture et accompagné de citations d'anciens poètes et auteurs arabo-musulmans sur la sexualité. Le communiqué du premier ministère marocain a expliqué qu'“il a été décidé de saisir le numéro 113-114 de l'hebdomadaire Nichane qui a publié un éditorial et des articles comprenant des expressions contraires à la morale, qui heurtent les sentiments des musulmans et constituent, en plus, un manquement au respect dû à sa majesté le roi”. La même source a dénoncé les “dérapages de Nichane qui sont contraires aux lois, à la moralisation de la vie publique, à la restructuration du paysage médiatique escomptée en général et de la presse écrite en particulier”. Le communiqué a ajouté que “le gouvernement tiendra à ce que la justice dise son mot (...) Dans le respect total de son indépendance”. De son côté, le directeur de Nichane et de TelQuel, Ahmed Benchemsi, s'est limité à déclarer qu'il allait être interrogé par la police qui l'a convoqué. Citant “des sources proches de l'enquête”, la MAP a indiqué que l'interrogatoire du directeur des deux hebdomadaires “doit porter sur des articles mettant en cause le Prophète et portant atteinte à la moralité publique et aux bonnes mœurs”. Pour rappel, en janvier dernier, deux journalistes de Nichane avaient été condamnés à trois ans de prison avec sursis et une à amende de 80 000 dirhams (7 220 euros) pour avoir publié un dossier intitulé “Comment les Marocains rient de la religion, du sexe et de la politique”. Ils avaient été condamnés pour “diffamation envers l'islam et la monarchie”. Réagissant à la saisie deux hebdomadaires, l'organisation de défense des journalistes Reporters sans frontières (RSF) et le Syndicat national de la presse marocaine (SNPM) ont dénoncé la décision du gouvernement marocain. “Les autorités doivent annuler immédiatement la saisie des deux hebdomadaires et renoncer à poursuivre leurs animateurs”, écrit RSF dans un communiqué. “Les violations de la liberté d'expression s'accumulent dangereusement au Maroc”, ajoute la même organisation qui “dénonce vivement” la saisie des deux publications. Le secrétaire général du SNPM, Younès Moujahid, s'est déclaré quant à lui “surpris par la saisie des deux titres”. Selon lui, “il y a certes dans Nichane l'utilisation d'un arabe dialectal crû, mais l'éditorial et les autres articles ne comportent aucune atteinte ni au roi ni à l'islam”. Il déclarera en outre : “Nous sommes contre toutes les saisies administratives, mais, dans ce cas précis, il y a eu beaucoup de zèle et beaucoup d'exagération.” Enfin, il soulignera que “la saisie de Tel Quel est en outre illégale, car la décision concernant cet hebdomadaire a été prise avant sa distribution sur le marché”. K. ABDELKAMEL