“La crise suscitée par le programme nucléaire de l'Iran devrait trouver un règlement satisfaisant en se fondant sur les ressources de la diplomatie internationale et en tenant compte des droits qui (lui) sont garantis par le traité”, a dit le chef de l'Etat, lors d'un déjeuner qu'il a offert à son homologue iranien Ahmadinejad. Le président Bouteflika a, également, estimé que “la gestion des crises et des tensions doit se faire sur la base du respect de la légalité internationale et des principes de justice et d'équité, du recours au règlement pacifique des différends, de la coexistence pacifique entre les nations et du dialogue des cultures et des civilisations”. Avant-hier, le président américain a maintenu une position ferme sur l'Iran. George W. Bush a, en effet, déclaré depuis la résidence présidentielle de Camp David, où il recevait le président afghan Hamid Karzaï, que Washington continuerait à isoler l'Iran. D'Alger, Ahmadinejad avait rétorqué, hier, que son pays ne discuterait pas avec les pays qui lui dénieraient le droit au nucléaire, principal sujet de discorde entre les Iraniens et les Américains, à des fins pacifiques. “L'Iran ne peut discuter avec les pays qui ne lui reconnaissent pas le droit à la production de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques”, a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse au deuxième jour de sa visite d'Etat en Algérie. M. Ahmadinejad, qui a réussi à arracher le soutien d'Alger sur le dossier du nucléaire, a ajouté que les Occidentaux “ont mobilisé toutes leur énergie pour isoler l'Iran sur ce dossier”, mais que “le peuple iranien ne se laissera pas faire et poursuivra ses efforts pour l'acquisition de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques”. Il a remercié l'Algérie pour sa “position de soutien constante” à son pays sur le dossier nucléaire. Ce nouveau défi d'Ahmadinejad, qui a fait savoir qu'il n'acceptait pas de nouvelles discussions avec les puissances occidentales sur le nucléaire, peut-il ouvrir la voie à des pressions de Washington pour de nouvelles sanctions contre Téhéran ? Que peut faire de plus Washington pour faire plier Téhéran ? Récemment, les Etats-Unis ont intensifié les pressions économiques contre Téhéran pour empêcher l'Iran de poursuivre un programme de développement d'armes nucléaires, multipliant les mesures contre les entreprises et les institutions financières soupçonnées d'y participer. Les relations entre les Etats-Unis et l'Iran sont quasiment au point mort depuis la révolution islamique de 1979, et le climat s'est encore détérioré depuis l'intervention militaire américaine en Irak début 2003 et les soupçons pesant sur le programme nucléaire iranien. Le président américain George W. Bush assure que ce programme vise des objectifs militaires, alors que le gouvernement iranien assure qu'il n'a que des buts civils. Depuis le début de l'année, au moins quinze entités iraniennes ont été visées par les sanctions américaines. Malgré toutes ces pressions, l'Iran semble tenir bon. Cette attitude “jusqu'au-boutiste” devrait lui permettre de récolter les fruits d'une politique savamment calculée face à Washington. Pour des observateurs avertis, les tractations entre la superpuissance mondiale et la République islamique semblent inévitables, après 27 ans de rupture. Les deux pays sont engagés dans un bras de fer qui s'apparente à un marchandage. Sur les trois fronts moyen-orientaux — Liban, Palestine et Irak —, la situation a tourné au détriment des Etats-Unis et à l'avantage de l'Iran durant l'été 2006. Durant cette période, la détérioration grave et rapide de la situation en Irak, la crise à Ghaza après l'enlèvement par un commando du Hamas d'un soldat israélien et, au Liban, la victoire au moins morale et politique du Hezbollah sur Israël, ont affaibli davantage la position des Américains. Le décor est ainsi planté : partout les alliés des Américains sont désormais en difficulté face aux alliés de l'Iran. Mais en ce qui concerne l'Irak, où l'armée américaine est présente, l'impossibilité d'une négociation concrétiserait l'échec de Washington. Dans ce cas, les Etats-Unis risqueraient de frapper militairement l'Iran pour retourner la situation à leur avantage, et ne pas perdre la face, estiment ces observateurs qui minimisent, cependant, cette probabilité qui ferait courir un énorme risque politique aux Etats-Unis. R. B.