À pleines “unes”, les terroristes ont la parole. Sous prétexte que l'un d'eux a, à son tour, goûté enfin à l'odeur de la poudre mélangée au sang ou qu'un autre se serait “repenti” pour fuir les règlements de comptes de la maison GSPC. Au moment où les soldats crapahutent sur des monts boisés qui regorgent de leurs “frères” encore en armes ou nouvellement enrôlés, Mossaâb Abou Daoud a eu les faveurs des “unes” écrites et du JT de la télévision d'Etat. Il est supposé nous apporter les bonnes nouvelles du front : le GSPC n'est pas aussi bien équipé et structuré que les vidéos tentent de le montrer ; les recrues étrangères désertent, la démocratie n'est pas de mise au maquis... Il fallait que la démarche de “réconciliation nationale” tombât bien bas pour recourir au commissariat politique d'un “émir” déchu, jusqu'à n'avoir certainement d'autre recours que celui de se rendre, pour sauver sa peau de l'épuration menée par Droukdel contre les fidèles de Hattab. On devrait compatir de savoir que tout n'est pas rose dans le maquis paradisiaque des assassins, n'est-ce pas ? “Le combat n'est plus ce qu'il était”, assène quand même celui qui a mis quinze ans à comprendre qu'il fut blousé. Quinze ans de crimes, les uns sûrement plus abominables que les autres, tous impunis. Et le sauvetage contre l'épuration fraternelle en prime. Pour un premier vol de portable, on en prend pour cinq ans ! Kertali, échappé de l'explosion de sa voiture, voyait dans cette attaque ratée un attentat contre “la réconciliation nationale”. Rien que ça ! La réconciliation nationale aurait donc le visage d'un chef terroriste reconverti en tuteur du commerce alimentaire de la région où il avait sévi par le feu et par la lame. D'anciens tueurs donnent la leçon de la tolérance en décrétant que l'atteinte à leur intégrité physique équivaudrait à une remise en cause d'une concorde dont ils sont les symboles. C'est le moment où je préfère m'émouvoir à la pensée des trente et unes victimes de Djiboulo, de la lycéenne de Meftah tuée en février 1994, des deux adolescentes enlevées avec leur mère, violées et assassinées en novembre 1994 à Birtouta, des huit femmes et onze enfants (dont deux bébés) massacrés en décembre 1997 à Larbâa… Que des chefs terroristes profitent de l'option politique et de la culture finalement si répandue du renoncement pour s'enrichir après s'être repus de sang, grand bien leur fasse ! Mais qu'on veuille nous forcer à voir dans des Mossaâb, des Kartali et autres Mezrag des apôtres de la paix a quelque chose d'insupportablement cynique. D'ailleurs, le pacifisme d'un ex-terroriste ne tient pas longtemps : “Personne ne peut m'atteindre… Et celui qui veut m'agresser paiera le prix fort.” Changeant, une fois de plus, le fusil d'épaule, le crime impuni fait la leçon à l'agression virtuelle ! Et la trouille se cache derrière la menace. En fin de semaine, on a fait de nos anciens tueurs nos moralisateurs ; en début de semaine, on a sollicité notre désapprobation devant le péril d'un éventuel parti qu'ils comptent créer. Et pourquoi pas, maintenant immaculés et à ce point animés de la passion de la réconciliation ? M. H. [email protected]