Soulagement pour le Makhzen marocain, le masque hideux du règne de Hassan II, Driss Basri, s'est éteint, emportant avec lui un pan de “l'histoire noire” du Maroc que Mohammed VI ne veut surtout pas voir rejaillir. Driss Basri, l'homme-clé du système hassanien, le père de Mohammed VI qui a régné durant plus d'un demi-siècle sur le royaume marocain avec une main de fer, est mort hier d'un cancer, à Paris, où il s'était exilé. C'est un pan de “l'histoire noire du Maroc qui s'en va. Inamovible ministre de l'Intérieur de 1979 jusqu'en 1999, lorsque disparaîtra Hassan II qui l'a maintenu contre vents et marées malgré les demandes incessantes de proches irrités par la mauvaise image que donnait son collaborateur. Hassan II devait le maintenir à son poste jusqu'à sa mort. C'est son fils Mohammed VI qui prendra l'initiative de le remercier en l'embarquant dans un avion vers la France. Le jeune roi a frappé fort pour donner l'image d'un Maroc diamétralement opposé à celui hérité de son père. Le Makhzen a applaudi, car Basri avait fini par être encombrant. D'autant plus que le personnage a été éloigné dans un pays qui devait également s'assurer de son silence. Les affaires entre Rabat et Paris ne sont pas aussi roses que ne le laisse deviner la presse people. Basri a emporté avec lui tous les secrets inavouables de la monarchie et de sa cour, communément appelées le Makhzen. Exécuteur attitré des basses œuvres, son nom restera lié à toutes les cuisines, réelles et virtuelles, qui ont assuré la pérennité du palais royal. Ce n'est pas la baraka qui avait sauvé Hassan II des multiples tentatives visant sa propre personne, ce sont plutôt les opérations montées par l'orfèvre en la matière, Basri, le superflic du royaume. C'est pourquoi, sa disparition a un goût amer pour les défenseurs des droits de l'homme au Maroc, dont beaucoup furent d'anciens détenus politiques. “Cet homme est parti, comme beaucoup d'autres responsables de graves atteintes aux droits de l'homme, après avoir vécu dans l'impunité”, s'est désolé Abdellah ben Abdeslam, le vice-président de l'Association marocaine des droits humains. Lorsque Mohammed VI avait pris l'initiative d'ouvrir le dossier par le biais des fameux procès de la commission vérité et justice, le nom de Basri était sur les lèvres de tous les marocains et marocaines qui avaient défilé devant ce tribunal, somme toute symbolique, puisqu'il ne fallait surtout pas donner les noms des tortionnaires ! Par contre, le Makhzen se frotte les mains : avec Basri vont être enterrés des vérités concernant les violations des droits de l'homme durant le règne de Hassan II. Sans compter les affaires dont les retombées remplissent aujourd'hui des pages de la presse marocaine dans la rubrique corruption, un fléau qui a fait le lit de l'islamisme qu'il soit soft ou radical. Fils de gardien de prison de Settat, au sud de Casablanca, Basri avait choisi la police pour son ascension sociale, inaugurant sa longue carrière comme commissaire principal à Rabat avant de devenir en 1973 directeur de la DST, puis secrétaire d'Etat à l'Intérieur en 1974. Cinq ans plus tard, il devient ministre de l'Intérieur et restera inamovible jusqu'à la mort de Hassan II. Après avoir été trahi par le général Oufkir, puis par Ahmed Dlimi, le roi Hassan II en avait fait son troisième et dernier homme de confiance. Basri est mort à 69 ans. Concernant, l'Algérie sur laquelle Basri avait jeté son fiel durant ses fonctions, l'ex-pilier du système hassanien s'était quelque peu rétracté, sur le tard de sa vie, dans son exil parisien, en avouant que le roi s'était trompé sur toute la ligne, à commencer dans l'affaire du Sahara occidental. D. Bouatta