“Bel-Abbès khir men Paris fessoukna”, fredonnait, non sans une certaine conviction, le chanteur Ourad Boumediene. En ce temps-là, l'auteur devait trouver que cette ville avait quelques qualités urbaines et qu'il faisait bon y vivre. Aujourd'hui, les rats y alimentent une épidémie qui a touché plusieurs dizaines de ses habitants. Il fallait sûrement une prolifération des rongeurs telle que le virus rabique a fini par atteindre les hommes à pareille échelle. L'évènement est significatif de la régression effrénée du cadre de vie des Algériens dont les villes ne manquent pourtant pas d'élus, d'administrations décentralisées, de tutelles sectorielles pour la santé, l'environnement, l'équipement, l'urbanisme, l'habitat et la ville. Alger fut une belle ville, blanche, avant d'être classée comme la capitale la plus invivable du point de vue de l'hygiène, de la santé et des services publics, loin derrière Dacca qui, il n'y a pas si longtemps, symbolisait la métropole de la pauvreté et de l'urbanisme sordide. C'est le jour où l'on apprend que, dans certaines cités, des concitoyens ne peuvent plus se prémunir contre la contamination par les rats que le Chef du gouvernement s'emploie à dédramatiser la situation : “Ce qui se passe à Djelfa arrive même dans des pays développés.” La répartie rappelle une information glanée, il y a quelques jours : parce qu'un cas de tuberculose a été détecté parmi les voyageurs d'un car parti du Portugal vers la France, un avis a été diffusé à travers les médias européens pour demander aux autres passagers de se présenter pour un contrôle de précaution ! Dans la même conférence, le Premier ministre tranchait que “le ministre de l'Agriculture n'est pas responsable de l'augmentation du prix de la pomme de terre et le ministre du Commerce n'est pas responsable de l'augmentation du prix du lait”. De quoi, donc, serait responsable le gouvernement s'il n'a pas de prise sur l'évolution des conditions sanitaires et sur les éléments qui déterminent notre pouvoir d'achat, et donc notre niveau de vie ? Pour le pouvoir, même les raisons de l'abstention électorale ne peuvent en aucun avoir un rapport avec son action et la manière dont il conduit les affaires du pays. Pour lui, ce renoncement massif au droit de vote doit trouver son explication dans quelque anomalie dans la situation — résidentielle ou autre — de l'électeur. Celui-ci doit donc présenter les motifs de son abstention. Le résultat en est que le gouvernement nous demande, par écrit, des comptes pour notre comportement électoral et déclare qu'il n'y a pas lieu de lui en demander sur les épidémies qui menacent — et qui seraient dans l'ordre des choses, même dans les pays développés — ni sur les prix qui grimpent – puisque les ministres n'y sont pour rien. Entre nous et le gouvernement, il y a comme un inversement des rôles. M. H. [email protected]