Le ministre de la Solidarité nationale a étalé au grand jour la crise qui secoue le Croissant-rouge algérien (C-RA) depuis près de trois ans. S'adressant aux participants à l'assemblée générale élective du C-RA, en présence notamment des représentants des organismes des Nations unies et des médias nationaux, Djamel Ould Abbès a fait part, jeudi, de sa “réprobation” des “dérives” qui se sont produites au sein du C-RA, en s'en prenant aux “privilégiés”. Le ministre a reconnu indirectement que les problèmes sont apparus après sa nomination en 2000 à la tête du département de la Solidarité, en particulier après “m'être impliqué personnellement et sans ménagement dans le redressement de la situation”, dira-t-il. Une intervention ayant impliqué, selon lui, “un toilettage” de l'institution visant à écarter ceux ayant “des pratiques délétères et perfides” et mené la société algérienne du Croissant-Rouge à “l'isolement” à cause d'une “politique séparatiste”. L'intervenant a néanmoins fini par admettre que la décision de mettre en place, en janvier 2005, un comité de direction provisoire “nous a été imposée par la gabegie qui s'était installée (…) dans notre organisation”. Sans aborder à aucun moment le rappel à l'ordre du Conseil d'Etat qui, dans un arrêté établi la même année, désapprouvait cette démarche et reconnaissait la légitimité des instances élues, en attendant la tenue d'une AG élective dans des conditions optimales. Cela après l'annulation de l'AG en décembre 2004. Pour le ministre, la gestion catastrophique des caisses du C-RA justifierait son intervention dans ses affaires. “Ces deux années de travail acharné et de persévérance, légitimement et légalement développés, ont débouché sur de vastes opérations d'assainissement de l'institution grâce à la mobilisation de ses adhérents et à la jalousie dont ils l'entourent”, a déclaré M. Ould Abbès. Ce dernier, usant d'un langage nationaliste et applaudissant au “patriotisme clairvoyant”, a appelé les participants au “resserrement des rangs”, en plaidant dans le même temps pour “une transparence dans la gestion des affaires et (…) le choix des hommes censés défendre le pays et veiller à voir toujours flotter dignement l'emblème national”. Au cours d'une conférence de presse qu'il a animée en fin de matinée, le ministre de la Solidarité a de nouveau insisté sur la légalité de la tenue de l'AG élective, rappelant notamment la présence de délégués des 48 wilayas, “élus démoc-ratiquement” et ceux ayant bénéficié du “renouvellement de confiance de leur base”, ainsi que celle d'un huissier de justice. Si l'en on croit Ould Abbès, les adhérents du C-RA, qui remettent en cause les résultats des élections à la base ayant précédé la rencontre de ce week-end au Palais des nations, ont introduit des recours qui n'ont finalement pas abouti. Le conférencier a aussi soutenu que l'AG a été préparée par la commission interministérielle de préparation qui, pour rappel, a été créée en 2006 “avec la collaboration de certains responsables de ministères”. Le ministre est revenu sur “l'assainissement matériel, financier et organisationnel” du C-RA, mené par son département, en indiquant que pour le côté financier, “l'affaire est actuellement en justice”. Aussi, s'est-il limité à dévoiler “les abus de biens sociaux, la dilapidation des deniers publics, l'ouverture de 41 comptes au nom du C-RA et le détournement, il y a trois mois, de dinars et de devises par le financier”. Concernant la décision du Conseil d'Etat de 2005, Ould Abbès a dit “ne pas la rejeter” même si elle n'a pas pris en compte “l'article 25 des statuts”. Celle-ci a apparemment fait précipiter les choses puisque, comme l'a souligné le conférencier, il y a eu “concertation des ministères de souveraineté et mise en place de la commission interministérielle”. Cette dernière avait pour double objectif de “préparer l'AG et de faire le toilettage”, a-t-il précisé. “Nous avons aidé les réfugiés sahraouis” Interrogé sur la coïncidence entre l'apparition de la crise au sein du C-RA et les pressions internationales exercées sur les réfugiés sahraouis en matière d'aide alimentaire, le ministre a renvoyé la balle aux organismes onusiens que sont le Programme alimentaire mondial (PAM) et le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR). “Demandez au PAM et au HCR ce qu'ils ont fait”, s'est-il écrié. Selon lui, il y a eu des “interférences” sur le PAM et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). “Il a été décidé d'aider les Sahraouis sur la base d'un effectif de 152 000 personnes. Subitement, ils ont baissé l'aide à 82 000 réfugiés sahraouis”, a expliqué Djamel Ould Abbès. Dans ce cadre, il a rappelé avoir “convoqué” les représentants du CICR et du PAM. Il a même attesté que devant la situation insoutenable des Sahraouis, le gouvernement algérien a dépêché dans les camps des réfugiés 350 semi-remorques contenant 6 000 tonnes d'aide alimentaire. “J'ai associé le Croissant-Rouge algérien à cette opération”, a précisé l'intervenant, en attestant que son département et le C-RA n'ont rien à voir avec les difficultés vécues par les Sahraouis. Puis de conclure : “Actuellement, leur situation a été assainie. Mais, s'il y a recul, cela vient du PAM et du CICR”. H. AMEYER