L'Administration Bush n'a pas pardonné à l'Elysée son opposition à l'usage de la force pour désarmer l'Irak. Les Américains examinent le genre de sanctions propores à punir la France. De hauts responsables du département d'Etat US ont tenu, lundi dernier, une réunion à la Maison-Blanche pour essayer d'arrêter la nature des sanctions à appliquer à Paris, pour son attitude envers les Etats-Unis durant le conflit irakien. Dick Cheney, le vice- président américain, serait le plus actif des membres de ce cabinet restreint afin de ne pas laisser sans conséquences l'opposition de la France à Washington. Parmi les mesures envisagées figurent la marginalisation de Paris dans les forums internationaux et au sein de l'Otan, et son exclusion des marchés de reconstruction de l'Irak, comme le souhaite le faucon, Paul Wolfowitz. Le secrétaire d'Etat américain aux affaires étrangères a confirmé mardi soir la détermination de l'administration Bush à ne pas laisser sans conséquences l'attitude de la France lors du traitement du dossier irakien aux nations unies. Colin Powell n'a pas hésité à répondre oui à une question d'un journaliste relative à l'éventualité de sanctions à l'encontre des Français, sans en préciser la nature. Il s'est borné à dire : “Nous devons regarder tous les aspects de notre relation avec la France à la lumière de cela.” Powell a rappelé que c'est en raison de la menace de veto émise par la France au Conseil de sécurité que nombre de pays avaient renoncé à se rallier à la mi-mars à un projet américain de résolution qui aurait donné le feu vert à l'utilisation de la force contre l'Irak. Il a reconnu qu'il avait dû livrer une véritable bataille à son homologue français, Dominique de Villepin, notamment lorsque ce dernier avait entamé un périple en Afrique pour tenter de convaincre les pays africains membres du Conseil de sécurité de voter contre le projet de résolution américain. “Ce fut une expérience diplomatique fascinante. Mais maintenant, c'est fini et il nous faut regarder nos relations”, a-t-il conclu. Les déclarations de Colin Powell ne sont pas conformes à sa position plutôt favorable à un apaisement avec la France. Apparemment, il s'est rallié à l'avis de la majorité au sein de l'administration Bush, favorable à des sanctions contre Paris. L'acharnement américain à “punir” l'Elysée intervient au moment où la diplomatie française commençait à faire des petits pas en direction des Etats-Unis dans le but d'aplanir le différend entre les deux parties. Néanmoins, Paris et Washington ne semblent pas près de se réconcilier, en raison de la nouvelle différence de vues sur la levée des sanctions imposées à l'Irak. La France réclame une suspension des sanctions, tandis que les Etats-Unis exigent une levée définitive de ces mesures. Pour Dominique de Villepin, les Américains veulent une levée définitive pour priver l'ONU et la communauté internationale de tout droit de regard sur l'Irak de l'après-guerre. Un nouveau bras de fer en perspective entre les deux pays. Les Français semblent déterminés à livrer une bataille diplomatique aux Américains pour éviter d'être marginalisés sur la scène internationale et surtout d'être privés d'une part du gâteau irakien. Le fossé entre Paris et Washington risque de s'élargir davantage lors des prochaines semaines. K. A.