Le triple veto germano-franco-belge à l'Otan à la demande américaine pour préparer les bases militaires en Turquie, et le projet de l'axe Paris-Berlin afin de désarmer l'Irak pacifiquement irritent à un très haut point Bush. Rien ne va plus entre les Etats-Unis et la France, considérée par l'oncle Sam comme l'instigatrice de toutes les initiatives visant à bloquer l'utilisation de la force pour désarmer Bagdad comme le souhaite ardemment le locataire de la Maison-Blanche. George Bush s'est déclaré mardi très déçu par la position de Paris et affirme ne pas comprendre cette attitude qui divise les alliés. Le rejet de la demande américaine sollicitant la préparation des bases militaires en Turquie en prévision d'une attaque contre l'Irak à partir de ce pays, membre de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (Otan), a fortement déplu au secrétaire d'Etat américain à la Défense, Donald Rumsfeld, qui a énergiquement critiqué Paris, Bruxelles et Berlin lors de la conférence sur la sécurité internationale à Munich. La colère des responsables US a redoublé quand il ont pris connaissance du projet franco-allemand préconisant le désarmement de l'Irak par des moyens pacifiques. Chirac et Schroeder proposent un renforcement par des moyens humains et matériels, qu'ils se déclarent prêts à fournir en grande partie, les inspections en cours sur le territoire irakien, afin de parvenir au désarmement de ce pays pacifiquement. Les détails de cette proposition seront révélés demain à l'occasion de la réunion du Conseil de sécurité qui aura à étudier le deuxième rapport que présenteront le chef des inspecteurs, le Suédois Hans Blix, et le directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique, l'Egyptien Mohammed El-Baradeï, comme l'avait demandé l'Allemagne, qui préside actuellement l'organe exécutif de l'ONU. Ce qui contrarie davantage les Etats-Unis, ce sont les concessions accordées par l'Irak lors de la récente visite à Bagdad des deux responsables onusiens. Désormais, il est possible d'interroger en aparté tous les scientifiques irakiens que les inspecteurs jugeront nécessaires. Mieux, le régime de Saddam Hussein accepte le survol de son territoire par les avions espions U2, pour le besoin des missions des techniciens de l'ONU. George Bush a estimé avant-hier que le président irakien “cherche à gagner du temps encore” par ces concessions de dernière minute. Il n'a pas manqué de rappeler que les Etats-Unis se réservaient le droit d'agir de façon unilatérale, sans l'aval du Conseil de sécurité. Contrairement à la première guerre du Golfe, où il y avait unanimité pour frapper Saddam Hussein, aujourd'hui la situation est totalement différente. En effet, les alliés ne parlent plus de la même voix. Pis, les pays occidentaux s'entre-déchirent et échangent des propos peu flatteurs. Apparemment, il n'y a pas eu accord sur le partage du pétrole irakien, qui semble constituer un sérieux point de discorde pour l'Occident. La réunion du Conseil de sécurité de demain renseignera, à plus d'un titre, sur les intentions des uns et des autres vis-à-vis de l'Irak, même si nul n'est disposé à divulguer ses motivations réelles, véritables secrets de Polichinelle pour les observateurs. K. A.