Devant la ferme opposition au recours à la force sous le couvert de l'ONU, le président américain réunit aujourd'hui ses deux alliés de l'heure pour revoir sa stratégie. Après avoir massé près de trois cent mille soldats à la frontière de l'Irak, sans tenir probablement compte de cette inattendue résistance au conseil de sécurité contre l'utilisation de la force pour désarmer Bagdad sous l'égide des Nations unies, George Bush tente de contourner cet écueil tout en restant ferme sur sa décision de lancer une attaque militaire contre le régime de Saddam Hussein. Contrarié à un très haut point par l'attitude de Paris, Moscou et Pékin, le patron de la maison-blanche est contraint de revoir sa copie avec ses deux principaux alliés, à savoir le Britannique Tony Blair et l'Espagnol José Maria Aznar, au cours d'un sommet aujourd'hui aux Açores (Portugal). Voyant que ni ses mises en garde ni ses menaces à peine voilées en direction des meneurs de la fronde n'ont obtenu les résultats escomptés, Bush veut apparemment changer de stratégie tout en maintenant une terrible pression sur l'Irak, auquel il promet un déluge de feu dans les tout prochains jours, car l'ultimatum qu'il avait fixé au 17 mars prochain n'a toujours pas été modifié, même si l'éventualité d'un report imminent est fort possible selon les observateurs de la scène irakienne. Le sommet d'aujourd'hui apportera certainement du nouveau. L'on connaîtra probablement la date à laquelle les Etats-Unis présenteront au vote du Conseil de sécurité la seconde résolution, contenant les conditions draconiennes et urgentes pour le désarmement de l'Irak et ouvrant la voie à l'usage de la force le cas échéant. Le sommet des Açores est qualifié de dernière étape diplomatique du règlement pacifique de la crise irakienne par le porte-parole de la Maison-Blanche, Ari Fleisher. Cette rencontre pourrait éviter une guerre, à en croire l'ambassadeur britannique auprès des Nations unies, Jeremy Greenstock. Selon lui, les trois chefs d'Etat “se réunissent pour s'assurer que l'exécution du désarmement de l'Irak est effectuée de la façon la plus efficace possible, et si possible, par des moyens pacifiques”. Il ajoutera : “Ils se réunissent pour voir s'il y a une dernière chance de ne pas faire la guerre.” Ces déclarations sont corroborées par les affirmations du chef de la diplomatie britannique, Jack Straw, qui laisse entendre que “bien que probable”, une guerre en Irak “n'est pas inévitable”. Par ailleurs, le Chili a soumis aux six pays membres non permanents de l'organe exécutif de l'ONU encore indécis un projet assorti de cinq conditions très proches de celles des Britanniques, mais fixant l'ultimatum à trois semaines. La proposition a essuyé un rejet catégorique de Bush, qui refuse toute prolongation de l'ultimatum avoisinant un mois. Ceci confirme le blocage constaté depuis quelques jours sur la scène diplomatique, comme l'a annoncé le président du Conseil de sécurité, le ministre guinéen des Affaires étrangères Mamady Traore. La France, par la voix de Dominique de Villepin, a réitéré son opposition à une résolution autorisant l'usage de la force. En attendant, l'Irak poursuit de son côté les gestes de bonne volonté en continuant à détruire les missiles El-Samoud II. Son ambassadeur auprès de l'ONU a remis hier à Hans Blix un rapport sur les gaz neurotoxiques, qu'il affirme avoir détruit en 1991, et présentera un autre sur le bacille de charbon et l'anthrax dans le courant de la semaine. Ce week-end sera marqué par une nouvelle vague de manifestations contre la guerre en Irak, notamment en France et aux Etats-Unis, après les rassemblements de vendredi en Suisse et en Tunisie. K. A. Les Etats-Unis mobilisent 380 000 soldats Les Etats-Unis comptent mobiliser jusqu'à 380 000 militaires pour une éventuelle guerre en Irak, mais tous ne seront pas forcément déployés, a indiqué vendredi dernier un responsable au Pentagone. Le chiffre a été mentionné jeudi dernier lors d'une réunion d'experts de la Défense, présidée par le chef d'état-major adjoint américain, le général Peter Pace ; et le journal Washington Post a rendu compte de ce chiffre correctement vendredi dernier, selon cette source. Lors de ces discussions, confirmées par ce responsable sous le couvert de l'anonymat, le général de l'armée de terre Stanley McChrystal, directeur adjoint des opérations à l'état-major, a indiqué que le plan complet du Pentagone portait sur 380 000 hommes. Plus de la moitié des Américains contre une guerre sans l'ONU Moins de la moitié des Américains (47%) sont favorables à une guerre contre l'Irak sans la bénédiction des Nations unies, selon un sondage de l'institut Public Opinion Strategies, publié vendredi dernier. Ce sondage, commandé par la Fondation des Anciens Combattants Américains au Viêt-nam, montre dans le même temps que 64% des personnes interrogées souhaitent “désarmer l'Irak par la force militaire si nécessaire”. Renverser le régime de Saddam Hussein est “très important ou important” pour la sécurité de l'Amérique, selon 73% des participants à cette étude, et à titre personnel, selon 66%. Ils sont 35% à considérer qu'éliminer Saddam Hussein est l'objectif le plus important de la guerre menée par les Etats-Unis contre le terrorisme, alors qu'ils ne sont que 29% à penser la même chose concernant Oussama Ben Laden, le chef du réseau Al-Qaïda, responsable des attentats du 11 septembre 2001.