Une adresse et des symboles. Là où le processus Euromed de Barcelone a péché par défaut, le projet de l'Union méditerranéenne du président français Nicolas Sarkozy veut être visible. Une des décisions du sommet des pays des deux rives de la Méditerranée prévu en juin 2008, vraisemblablement à Marseille, sera la mise en place d'un secrétariat permanent. “C'est ce qui a manqué à Barcelone”, a expliqué Alain Leroy, ambassadeur chargé du projet de l'union méditerranéenne (UM). Né en 1953 à Moscou, M. Leroy était directeur des affaires économiques au ministère des Affaires étrangères avant d'hériter de la nouvelle mission sous la supervision d'Henri Guaino, “plume” de Nicolas Sarkozy et envoyé spécial du président pour le projet de l'UM. Diplômé de la prestigieuse Ecole des mines de Paris et agrégé d'économie et de gestion, M. Leroy a été directeur de cabinet de préfet, conseiller à la Cour des comptes, gestionnaire au groupe pétrolier Total, chargé de mission en Bosnie et au Kosovo et ambassadeur à Madagascar. C'est cette expérience à cheval sur l'économie, la haute administration et la diplomatie qui a attiré sur lui la préférence de M. Sarkozy pour un projet phare de politique internationale. En place depuis à peine un mois, M. Leroy a commencé à sillonner les pays concernés pour lever les réticences qui entourent le projet. En Europe, c'est l'Allemagne qui a montré les plus fortes réserves. Gros contributeur au budget de l'UE, elle craint que les financements versés à l'Euromed soient détournés au profit de l'UM. Autre pays réticent, l'Espagne. Pour cause du processus de Barcelone. “On ne laissera pas tomber Barcelone”, assure M. Leroy, qui relève quand même que ce processus marqué par quelques “fragilités” n'a pas atteint ses objectifs. La Grande-Bretagne est aussi sceptique. Mais la perfide Albion est un cas spécifique en Europe, qui avance à reculons, y compris au sein de l'UE. M. Leroy mise aussi sur de fortes réserves au Parlement européen à Strasbourg. Pourtant, il semble ne pas manquer d'arguments. “La Méditerranée, ce n'est pas notre passé mais notre futur. En 15 ans, l'Europe a fait un gros effort à l'Est. Il est temps que la Méditerranée redevienne la priorité de l'Europe”, a-t-il plaidé, mardi, lors d'un colloque au Sénat sur la “Tunisie, le défi de l'Euroméditerranée”, à l'occasion des 20 ans de pouvoir de Benali. M. Leroy observe que les Etats-Unis réservent 18% de leurs investissements directs à l'étranger (IDE) aux pays situés sur leur frontière sud. Même constat pour le Japon. Pour l'Europe, la proportion est inférieure à 2%. Il relève aussi qu'il existe de nombreuses organisations régionales qui n'ont pas d'équivalent en Méditerranée, comme l'organisation des pays de la Baltique, de la mer Noire ou encore l'Apec (Asie Pacifique) ou Asean (Asie du Sud-Est). La rive sud est “le relais de croissance de l'Europe”, affirme-t-il. Pour lui, “la dynamique est lancée” et “on est en train de prendre le dessus sur les sceptiques”, ajoutant que “les contours de cette union et sa forme juridique seront discutés”. Pour expliquer le projet, M. Leroy s'est déjà rendu à Rabat, Tunis, Alger et au Caire. Au Nord, il s'est rendu à Madrid et Lisbonne avant Berlin la semaine prochaine. Au Sud, l'Algérie s'est “montrée favorable” lorsque la Tunisie a affiché un très grand empressement. Tunis milite pour la création d'une banque régionale dont elle souhaiterait abriter le siège. Elle semble vouloir tirer profit de la rivalité entre Alger et Rabat pour hériter de ce projet qui n'emballe pas encore le ministère français des Finances. M. Leroy compte tout de même le promouvoir et espère même attirer les fonds des pays du Golfe. Pour donner du contenu à l'union, M. Leroy plaide aussi pour la réalisation rapide de projets dans l'énergie avec une interconnexion électrique et gazière, dans l'adaptation aux changements climatiques, le traitement des déchets, la préservation de la Méditerranée, l'agroalimentaire et l'enseignement supérieur. “Aux sceptiques, opposons le pragmatisme. Il est urgent de définir l'espace et le mode de fonctionnement”, a demandé le député Patrik Ollier, président du groupe d'amitié France-Tunisie. Y. K.